Qwant et Microsoft : un problème de communication et de souveraineté

L’annonce du partenariat entre Qwant et Microsoft en a choqué plus d’un. Que le moteur de recherche européen, qui s’est construit autour de l’opposition avec les GAFAM, se rapproche du géant américain et annonce partager une même vision « d’un Internet ouvert et responsable », ça surprend…

Le 17 mai 2019, sur la scène de VivaTech, un drame se joue. Un drame qui s’apprête à enflammer Twitter lors des 48 heures qui suivront. Jean-Philippe Courtois, vice-président chez Microsoft, et Eric Leandri, le patron de Qwant, annoncent un partenariat entre les deux entités. L’association porte sur la mise à disposition par Microsoft de « la puissance de calcul additionnelle de son Cloud Azure pour répondre aux besoins croissants du marché européen, les services Microsoft Advertising ainsi que les recherches algorithmiques de Bing ».

Oh, et Qwant fera désormais partie des options préremplies dans les prochaines versions du navigateur Edge, mais on ignore encore quelles versions et pour quels pays. Mais immédiatement se sont posées des questions sur la protection de la vie privée. Car Microsoft, le méchant américain, n’aura-t-il pas sur ses serveurs les données personnelles des utilisateurs de Qwant ? Et là arrive un premier souci de communication, un point rectifié plus tard par Tristan Nitot sur son blog personnel.

Pas de souci de privacy

L’accord ne porte pas sur le recours aux serveurs Azure pour la partie front de Qwant, celle véritablement en contact direct avec l’internaute. Adresses IP et requêtes demeurent sur les serveurs propres à Qwant. Seule l’indexation des pages Web est concernée, ce qui signifie que Qwant fera tourner ses algorithmes (Iceberg, de mémoire) sur Azure. « Maintenant, nous allons faire les deux : acheter des serveurs pour mettre dans nos baies de Datacenter et aussi en louer. Ça va nous permettre d’avoir un Qwant encore plus performant et de meilleur qualité alors qu’il reçoit de plus en plus de demandes » écrit le vice-président Advocacy de Qwant.

Un autre point est problématique : le choix d’Azure, lorsque l’on se présente comme « un moteur de recherche indépendant » et qu’on met le paquet sur la souveraineté, cela a de quoi faire jaser dans les chaumières. Et Tristan Nitot aura beau dire que « Microsoft a bien changé » sur les questions du libre et de l’ouvert, la mayonnaise ne prend pas vraiment. Pourtant, le choix d’Azure peut, dans une certaine mesure, se comprendre.

La faute aux FPGA

Le VP pointe dans son blog le fait qu’Azure « nous permet de faire des calculs de type FPGA et supporte aussi Kubernetes ». Passons rapidement sur Kubernetes, qui ne saurait justifier à lui seul le choix d’Azure (c’était ça ou passer chez Google ?), considérant que la désormais grande majorité des fournisseurs de IaaS en assurent le support. Par contre, du côté des calculs FPGA (Field Programmable Gate Arrays) l’explication semble se tenir un peu plus. On pourra rétorquer qu’en France OVH propose depuis deux ans des instances FPGA mais peut-être s’agit-il juste d’une question d’échelle. Reste à savoir si aucun autre acteur européen du cloud public ne pouvait convenir…  

Mais surtout, Qwant et Microsoft sont partenaires de longue date. Le moteur de recherche exploite Bing, notamment pour la partie images, tandis que Redmond sert aussi de « régie publicitaire » au Français. Qwant ne s’en est jamais caché, tant sur son blog et sur ses pages que dans ses interviews. En octobre 2016, Guillaume Vassault-Houlière revenait dans nos pages sur l’infrastructure sous-jacente de Qwant et sur l’utilisation de Bing. On est donc loin du secret de polichinelle. Et loin aussi de l’infrastructure européenne revendiquée.