Les résultats d’Uber pour le deuxième trimestre viennent d’être dévoilés. Si le chiffre d’affaires progresse et les pertes s’amenuisent, les montants demeurent vertigineux et certains investisseurs revoient à la baisse la valorisation de la première licorne
« Trop gros pour échouer ». Voilà ce que nous écrivions voici quelques mois dans un éditorial de notre magazine en évoquant les résultats et les avanies d’Uber, entre frasques d’employés, harcèlement sexuel de la part de certains cadres, « libertés » avec les règles en vigueur ou encore soupçons d’espionnage. Dans ce maelstrom, le fondateur et PDG Travis Kalanick a été contraint à la démission et la bagarre perdure car il souhaite demeurer au Conseil d’Administration, ce que ne souhaitent pas d’autres membres.
C’est donc dans ce contexte pour le moins scabreux que l’entreprise de VTC publie ses chiffres pour le deuxième trimestre 2016. Le chiffre d’affaires global s’élève à 8,7 milliards de dollars contre 7,5 pour le trimestre précédent. Après rémunération des chauffeurs, le CA net se monte à 1,75 milliard contre 1,5 au premier trimestre. Les pertes sont de 645 millions de dollars contre 708 millions au premier trimestre et 991 millions au quatrième trimestre 2016 (3 milliards sur toute l’année).
Encore trop de pertes
Certains analystes sont donc enclins à affirmer que tout va très bien madame la marquise et que la pertinence du modèle économique d’Uber n’est pas à démontrer. Ces optimistes expliquent que les pertes sont concentrées dans les marchés en développement comme l’Asie du Sud où Uber propose des tarifs très alléchants afin de gagner des parts de marché. Sauf que d’autres soulignent que l’entreprise continue à pratiquer des politiques commerciales très agressives dans des marchés matures, comme San Francisco par exemple. « J’ai traversé la ville de San Francisco pour 12 dollars » affirme un universitaire cité par Reuters qui poursuit : « cela n’a aucun sens du point de vue économique ». De fait, le coût réel d’un trajet devient très problématique. Le consultant Huber Horan qui a réalisé une étude approfondie estime que les passagers Uber ne payaient que 41% du coût total d’une course en 2015, Uber supportant les 59% restants. Ceci correspond peu ou prou au montant des pertes par rapport au chiffre d’affaires net.
Ponzi ou non ?
Dans ces conditions, ceux qui affirment que le modèle économique d’Uber est une sorte de système de Ponzi commencent à trouver plus d’écho. Et certains investisseurs revoient à la baisse leurs évaluations. Si Benchmark - investisseur historique - clame haut et fort qu’Uber vaudra bientôt 100 milliards, d’autres ont revu leur copie et estiment que les 68 milliards sont trop élevés d’au moins 15%, ce qui fait 10 milliards.
Depuis sa création, Uber a levé 15 milliards de dollars et en a brûlé 9 puisqu’elle affirme disposer encore de 6 milliards de cash disponibles. Au train actuel de pertes, l’entreprise n’aura plus de cash dans une dizaine de trimestres, soit deux ans et demi. Le pari économique repose donc sur deux facteurs : réduire les pertes dans le système actuel et espérer que les voitures sans chauffeur seront opérationnelles – techniquement et juridiquement – à l’horizon 2020. Si le premier facteur peut sans doute être atteint, le second semble beaucoup plus hypothétique. Uber devra montrer un autre visage pour pouvoir s’introduire en bourse et lever encore de l’argent pour assurer son avenir. C’est le principal défi du nouveau PDG qui devrait être nommé dans les prochaines semaines.