Lundi 6 mai, le procès de France Télécom s’est ouvert au tribunal correctionnel de Paris. Jusqu’en juillet, parties civiles et défense se succèderont à la barre, sept dirigeants de France Télécom ainsi que Orange, en sa qualité de personnes morale, sont accusés de harcèlement moral, un harcèlement qui a conduit à la fin des années 2000 à une vague de suicides au sein de l’entreprise.
Il y a dix ans, le suicide d’un employé de France Télécom faisait éclater l’affaire au grand jour. Entre 2008 et 2009, 35 salariés de l’opérateur télécom avaient mis fin à leurs jours. En cause, les pratiques managériales de l’entreprise, un « management par la terreur ».
En 2006, France Télécom, alors dirigé par Didier Lombard, lance un plan de restructuration, NExT. Objectif : accompagner la transformation de l’entreprise en réduisant notamment sa masse salariale : une suppression de 22 000 postes sur les 120 000 que compte alors la société, ce volet « social » est baptisé Act.
En 2009, alors que le mal-être et les suicides chez France Télécom sont amplement médiatisés, le plan NeXT est stoppé. Les syndicats attaquent l’opérateur en justice, dénonçant des « méthodes de gestion d’une extraordinaire brutalité » tandis qu’un rapport de l’inspection du travail mettait l’entreprise au pilori.
Saisie, la justice entame une longue instruction, qui se traduit en 2016 par la réquisition du Procureur de Paris demandant le renvoi en correctionnel de Didier Lombard, de son second Louis-Pierre Wenes et de l’ex-DRH Olivier Barberot pour harcèlement moral, de même pour Orange en sa qualité de personne morale. Quatre autres cadres sont poursuivis pour complicité.
Orange sur le banc des accusés
En 2018, dans l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, les magistrats en charge de l’instruction estiment que la direction de l’entreprise avait « créé un climat professionnel anxiogène » du fait d’une « politique d'entreprise visant à déstabiliser les salariés ». Trente neuf cas ont été retenus : dix-neuf suicides, douze tentatives et huit dépressions.
De leur côté, les mis en cause ont toujours nié la volonté de « casse sociale », Didier Lombard expliquant dans une tribune au Monde que les politiques de l’entreprise n’étaient pas « dirigées contre le personnel », mais, au contraire, « étaient destinées à sauver l'entreprise et ses emplois », contestant que les plans mis en œuvre aient pu « être la cause des drames humains cités à l'appui des plaintes ».
C’est désormais ce que le tribunal correctionnel va devoir déterminer, au cours des 21 audiences prévues. Le procès devrait s’étaler au moins jusqu’en juillet, avec les auditions d’une cinquantaine de témoins, d’avocats des parties civiles et le la défense. Les syndicats ont par ailleurs déposé une liste d’une centaine de nouvelles parties civiles ayant un intérêt à agir. « Nous avons bon espoir que ce procès débouche sur une condamnation de France Télécom et de ses dirigeants et qu’il soit l’occasion pour que les victimes puissent prendre la parole et accéder à des réparations ! » expliquent-ils dans un communiqué commun.