Les technologies pour mettre en œuvre le big data n’ont plus rien à voir avec celles qui l’ont porté sur les fonts baptismaux il y a une dizaine d’années. Retour sur ces évolutions et description de l’état de l’art aujourd’hui.
Certains annonçaient la mort d’Hadoop et du Big Data. En réalité, c’est bien l’inverse dont il s’agit avec une évolution constante et une adaptation de la plate-forme aux besoins des utilisateurs. Mohamed Mahdi Benaissa le résume ainsi : « Hadoop a simplement changé d’identité. » Des traitements Map/Reduce de ses débuts, Hadoop a adapté sa plate-forme pour d’abord rendre les données plus interactives. C’est l’apparition des moteurs de requêtes comme Impala, qui réalisait la même chose que Hive (autre moteur de requête sur Hadoop), mais avec plus de réactivité. Dans la même veine, il existe AtScale (OLAP sur Hadoop) et LLAP (Live Long And Process). Les outils ajoutaient cet aspect interactif des données sur Hive. Maintenant les entreprises recherchent des traitements en temps réel. Ces traitements sont issus des applications qui se fondent sur l’Internet des Objets ou sur des cas où le facteur temps est essentiel comme la détection de la fraude. Le deuxième besoin vient de la possibilité d’analyser des données en flux. Streaming et temps réel ont donc fait évoluer l’écosystème d’Hadoop pour l’adapter à ces nouveaux besoins. On entend donc plus parler aujourd’hui de Spark, de Kafka ou même de Storm ou de NiFi – dont une version est devenue Hortonworks Data Flow – pour les plates-formes actuelles.
L’évolution touche l’ensemble de la plate-forme. Les entreprises ont tout d’abord refondu les entrepôts de données qui étaient en place pour des « data lakes », puis se sont tournées ensuite vers des stockages peu onéreux dans le Cloud comme Glacier ou des stockages objets de type S3 ou analogues. Certains ont choisi des NAS évolutifs horizontalement comme Qumulo. Plus récemment, du fait des coûts qu’engendrent le stockage sur ces plates-formes, les entreprises reviennent vers une approche hybride combinant un Cloud privé et les opportunités du Cloud public. La couche supérieure de l’orchestrateur a aussi connu quelques chamboulements. À l’origine, Yarn, le gestionnaire des ressources sur la plate-forme Hadoop, n’était pas conçu pour supporter les traitements en temps réel ou en streaming. Les développeurs se sont donc tournés vers les containers et Kubernetes pour exécuter ce type de tâches. Les dernières versions d’Hadoop (3.1 et 3.2, encore en Beta) apportent quelques aménagements avec la possibilité de modifier et d’optimiser par l’ajout d’attributs sur les nœuds de gestion (node manager) pour gérer une exécution sur des machines spécifiques. D’autre part le projet Hadoop Submarine, présent dans la 3.2, permet d’exécuter des traitements d’apprentissage machine ou d’apprentissage (Tensorflow) profond directement sur Yarn. Son slogan est « du Edge au Cloud ».
Quel que soit le moyen employé, les différents moteurs de traitement sur Hadoop correspondent chacun à des cas d’usage précis selon les besoins en temps de traitement, de latence, ou de volume des données à traiter. Une analyse précise est donc nécessaire pour bien choisir la plate-forme adéquate à l’adaptation des besoins du projet.
D’autres possibilités
Évidemment, il n’y a pas que Hadoop pour réaliser des projets de Big Data et nous avons commencé à l’évoquer lors des choix des plates-formes de stockage des données dans le Cloud. À la place de la plate-forme à l’Éléphant jaune, il est tout à fait possible d’utiliser un backend de stockage objet ou de scale-out NAS et d’y réaliser des traitements parallélisés sur les données pour obtenir des traitements analytiques. Microsoft, Google, AWS, IBM, Snowflake et bien d’autres l’autorisent aujourd’hui. Là encore les contraintes de latence, de temps de traitement et de coûts de la plateforme sont à prendre en compte avant de lancer le projet.
Ce que les utilisateurs attendent
Plus que les technologies, les utilisateurs de Big Data attendent certains choses de la plate-forme comme la possibilité d’intégrer les résultats des traitements dans d’autres applications. La plateforme doit de plus prendre en compte de nombreuses sources de données et des types de données différents. Des outils ou des plug-ins doivent simplifier les étapes de découverte ou d’exploration des données. Elle doit pouvoir supporter différents types de méthodes d’analyses. La plate-forme doit pouvoir s’adapter rapidement et suivre l’augmentation du volume des données tout en restant véloce et s’étendre en prenant en compte des données variables d’une source de données à l’autre. Ce dernier critère de variabilité devient d’ailleurs aujourd’hui plus important que le volume qui décrit la technologie. Cela doit permettre aussi à l’utilisateur de n’avoir à utiliser qu’une seule plate-forme pour son travail. Elle doit donc pouvoir s’intégrer facilement avec le reste du système d’information. Elle doit ainsi permettre de bien gérer les données tout en respectant les contraintes réglementaires ou de conformité à la loi comme le RGPD ou autres. La plate-forme doit être sécurisée en ce sens.
Des freins largement identifiés
Les principaux freins sont connus et restent cependant toujours présents. Le manque de ressources humaines et de spécialistes est toujours là et les data scientists ne se forment pas en un jour. Corp, dans son iconographie de présentation du Salon Big Data, parle d’un besoin de 130 000 emplois d’ici à 2020 pour des postes dont les salaires iraient de 45 000 à 65 000 € par an. Pas si mal aujourd’hui ! L’autre point noir – nous l’avons mis en exergue – porte sur la difficulté à convertir en bénéfice l’utilisation d’une plate-forme de Big Data. Les entreprises ont beaucoup de mal à identifier des retours sur investissements précis sur ces projets malgré les investissements lourds demandés. Un autre élément doit être pris en compte : l’impossibilité parfois d’expliquer les résultats des analyses en particulier dans l’utilisation de l’Intelligence artificielle créant ainsi une vision « boîte noire » qui fait reculer beaucoup de gens ou, tout du moins, renforce la résistance au changement face à ses technologies.
À l’analyse, les données vont toujours continuer à grossir et si on ne parle plus de Big Data, c’est parce qu’il est devenu la normalité dans les entreprises. En dix ans, celles-ci le maîtrise de mieux en mieux même si tout n’est pas encore parfait. ❍
Cet article est paru dans le dossier Big Data de L'Informaticien n°175.