Y a-t-il un outil logiciel aussi adoré ou abhorré qu’Excel ? Il est présent partout dans toutes les sociétés et souvent à la base de prises de décision importantes.
Dans certaines banques se sont mêmes des « commandos » de développeurs qui travaillent sur ces outils pour développer des applications ou des macros qui devraient faire la différence sur les placements, les risques, les valeurs boursières. Dans d’autres entreprises, on a vu se développer des spécialistes de la macro et des tableaux croisés dynamiques. Pour preuve : qui n’a pas reçu dans sa vie un tableau avec cinq visualisations différentes dans un classeur comptant un nombre déraisonnable de lignes et de colonnes. Rien que pour comprendre le travail effectué sur ce type de document une bonne demi-journée est nécessaire. Selon une étude de Nucleus Research réalisée pour le compte d’Anaplan, ce sont 72,1 millions de personnes dans le monde qui sont particulièrement concernées et celles-ci utilisent principalement Excel pour réaliser des tâches de planification. Il faut prendre ce dernier mot au sens large : planification de production, budgétaire, d’allocation de ressources humaines, de chaîne d’approvisionnement…
Une cascade de défauts
Les limites et défauts de l’outil sont bien connus. La principale est de ne pas avoir de hub de données centralisé, ce qui demande de changer et Jmettre à jour à la main les données dans la feuille de calcul ou à l’aide d’une macro pas toujours très fiable. De plus si une erreur s’insère dans ce processus manuel c’est l’ensemble de la feuille de calcul qui risque d’avoir un seul avenir, la poubelle ! Et il suffit pour cela d’une virgule mal placée. En cascade, toutes les feuilles de calcul reprenant cette simple cellule mal placée vont connaître le même sort.
Autre défaut majeur, l’outil a du mal à gérer de gros volumes de données ; ou s’il le fait, cela dépasse régulièrement votre entendement et clairement vous êtes incapable de savoir si le classeur ou la feuille de calcul que vous avez entre les mains est fiable ou non. En fait, une feuille Excel est comme un vaste trou noir des données. Vous ne savez pas d’où elles proviennent, de quand elles datent, si elles sont de qualité ou non. À ce titre, on peut décerner le prix du Shadow IT à ce logiciel qui crée une vision de l’entreprise en dehors des bases de données et des outils analytiques préconisés par les directions informatiques. Bref pour résumer : incapacité à gérer les gros volumes, manque de fiabilité, manque de sécurité, profondeur des données limitées, absence de travail collaboratif, etc.
D’indéniables qualités
La qualité première d’Excel est d’être présent dès que vous utilisez l’esperanto de la productivité, Office. Désolé pour les fans d’Apple mais avez-vous essayé d’envoyer une feuille ou un classeur Numbers à vos collègues ou relations d’affaires ? Sa principale force est d’être là dès que vous ouvrez le capot de votre laptop ou que vous allumez votre tablette ou smartphone.
De plus, fondu dans la suite Office, son coût est – ou semble – modique aux utilisateurs. Disponible et pas cher, cela commence à ressembler à un produit quasi parfait. Ajoutez-y la puissance, car contrairement à ce que pensent la plupart des gens, Excel est un outil puissant qui permet de réaliser énormément de choses. Ainsi j’ai récemment découvert que certains l’utilisaient pour réaliser des traductions simples d’une langue à une autre. Car vous pouvez entrer un peu de tout et n’importe quoi dans une cellule. Ces simples éléments en ont fait un outil quasi indispensable pour beaucoup.
La faute aux jolis outils alternatifs
Il faut aussi considérer que Excel a comblé un vide dans les entreprises. Pendant longtemps les outils dits de Business Intelligence ou de reporting étaient cantonnés à un petit nombre de spécialistes ; détenir la donnée était vu comme un élément de pouvoir dans l’entreprise, car tout le monde n’avait pas accès aux données. Vu les systèmes informatiques mis en place, les demandes devaient passer par ces spécialistes. Vous aviez donc la réponse à votre demande environ une semaine après. Or, l’accès aux données s’est démocratisé. Le management a compris que l’engorgement des prises de décision par le haut n’était plus supportable et que certaines de celles-ci devaient redescendre au plus près du terrain. Mais comment faire si ceux qui doivent prendre les décisions n’ont pas les données pour le faire ? On a vu alors apparaître les outils visualisation. Des outils à mettre sur chaque laptop. Le hic provient de leur nom. En fait ils n’ont pas pris la place d’Excel, ils en ont fait une des sources de données pour réaliser de jolis tableaux et dashboards en complément des autres sources de données. Parallèlement, le prix des licences de ces outils, comme Qlik, Tableau ou autre Jaspersoft, étaient plus en rapport avec une large utilisation dans l’entreprise. Auparavant les outils pour spécialistes de la donnée étaient souvent à des prix prohibitifs, réservés à de grandes entreprises qui payaient bien cher ce qu’elles avaient déjà dans des classeurs et feuilles de calcul. Depuis, nous n’avons toujours pas vu un outil de BI ou de reporting mis par défaut sur des laptops ou des tablettes. Il est toujours possible d’en télécharger un, mais pourquoi le faire alors que Excel est là ? remplissant la plupart des besoins ; car il est vu ainsi. Et les éditeurs du secteur de vendre cher leur logiciel, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, en créant des ponts vers Excel. Si tous les acteurs du secteur récriminent, aucun n’a fait de véritable effort pour changer la culture dans les entreprises, ce qui permettrait peut-être d’éliminer l’utilisation d’un outil comme Excel. En fait, l’industrie de la Business Intelligence a fait sa reddition en rase campagne face au phénomène. Ils ont développé des fonctions ou des logiciels, certains corrigeant des défauts d’Excel comme la sécurité en proposant le blocage de cellules, de colonnes, de lignes, en comparant les classeurs ou des feuilles de calcul pour voir où des changements sont intervenus… et de partager votre feuille Excel comme une page web.
Les entreprises vont vivre encore pas mal de temps avec la présence d’Excel au côté d’autres outils d’analyse des données. Excel est remplaçable mais, de fait, il devient inamovible ! ❍