La fermeture de WeChat sur le sol américain est annulée : une cour de justice américaine, saisie par des utilisateurs de l’application chinoise, a en effet estimée que la violation de la liberté d’expression protégée par le Premier Amendement n’était pas justifiée par des menaces à la sécurité nationale dont le gouvernement n’apporte pas la preuve.
C’est un camouflet qui a été infligé à l’administration Trump. La Cour du district Nord de la Californie exige de l’exécutif qu’il n’applique pas son décret quant à l’interdiction de WeChat aux États-unis. L’application de messagerie instantanée chinoise se voyait en effet bannie à compter du 20 septembre par le texte publié vendredi, qui en interdisait certaines opérations vitales (trafic, hébergement, etc.). Or fin août les utilisateurs de WeChat, constitués en association, avaient saisi la justice.
Les auditions ont eu lieu les 17, 18 et 19 septembre. Or, l’ordre exécutif interdisant “certaines opérations” liées à WeChat a été publié le 18. Les débats se sont orientés autour de deux axes. D’un côté les plaignants déploraient une atteinte à leur liberté d’expression, protégée par le Premier Amendement. En effet, la décision de l’exécutif américain aboutirait à l’impossibilité d’utiliser WeChat sur le sol américain, or WeChat est, selon ses utilisateurs, leur seul moyen de communication avec leur communauté.
De l’autre le gouvernement s’abritait derrière les préoccupations de sécurité nationale. Et au milieu, la juge Laurel Beeler a tranché. Dans sa décision, elle estime que WeChat constitue effectivement le seul moyen de communication entre la diaspora chinoise aux États-unis et leurs proches en Chine, “non seulement parce que la Chine interdit d'autres applications, mais aussi parce que les locuteurs chinois ayant une maîtrise limitée de l'anglais n'ont pas d'autre choix que WeChat”.
Liberté vs. sécurité
La menace que fait peser WeChat sur la sécurité nationale justifie-t-elle la violation du premier amendement ? La juge reconnaît la position gouvernementale selon laquelle les “activités de la Chine soulèvent d'importantes préoccupations en matière de sécurité nationale”. Néanmoins, dans le cas particulier de WeChat, elle estime que l’exécutif n’a pas apporté la preuve que son interdiction pour tous ses utilisateurs américains répondrait à cette préoccupation. Une interdiction concernant uniquement les personnels administratifs suffirait, c’est d’ailleurs l’option choisie par le gouvernement australien.
“D'après ce bilan, l’ordre exécutif - qui élimine un canal de communication sans aucun substitut apparent - impacte substantiellement plus la liberté d’expression qu'il n'est nécessaire pour promouvoir l'intérêt significatif du gouvernement” écrit la magistrate, qui accorde donc aux plaignants cette injonction à l’échelle nationale contre la mise en oeuvre du décret de vendredi. Mais, s’agissant d’une instruction préliminaire, la porte n’est pas fermée à ce que Washington revoit sa copie. Car cette décision d’une cour de justice crée un précédent sur lequel un autre tribunal pourrait s’appuyer pour annuler l’interdiction de TikTok. L’application, qui bénéficie d’un sursis, a en effet saisi à plusieurs reprises la justice américaine pour s’élever contre le décret présidentiel la concernant.