Voilà maintenant quelques temps que les fabricants français s'inquiètent des importations de fibre chinoise à prix cassé. En décembre 2019, Sycabel tirait le signal d'alarme. Le syndicat français de la fibre alertait alors "sur les risques encourus par les niveaux d’importation alarmants qui fragilisent la filière. Parallèlement, les statistiques douanières montrent une explosion des importations, notamment en provenance de la Chine et de la Corée du Sud. Ces entrées en douanes atteignent en juillet 2019 un niveau très élevé et représentent 45 % de la production de câbles à fibre optique du SYCABEL, alors qu’il était de 13 % en 2017 et 23 % en 2018".
Pourtant certains se remémoreront un autre cri d'orfraie : entre 2015 et 2017, le secteur s'inquiétait d'une pénurie de fibre. Et pointait les responsables du doigt : les Chinois. Ou plus exactement les trois grands opérateurs nationaux que sont China Unicom, China Mobile et China Telecom. Ceux-ci ont été pris d'une frénésie de déploiements, au point que les prix de la fibre optique se sont envolés. Mais voilà qu'aujourd'hui, entre 85 et 90% des villes chinoises sont fibrées, en conséquence de quoi les opérateurs ont levé le pied et réduit leur demande. Bilan : les industriels chinois se trouveraient avec 100 millions de kilomètres de fibre de surplus. Et faute de débouchés aux États-Unis, sanctions obligent, c'est vers l'Europe qu'ils se sont tournés pour écoulés leur production.
La Chine inonde le marché européen
La Commission européenne vient de s'emparer du sujet. Un communiqué d'Europacable, regroupement de fabricants européen, nous apprend que les autorités européennes ont ouvert hier une enquête quant aux pratiques commerciales déloyales des fabricants chinois après avoir été saisies d'une plainte du groupe. Celle-ci leur reproche de pratiquer des prix artificiellement bas. D'une part, les fabricants chinois appliqueraient en Europe la même politique tarifaire qu'en RPC, sans tenir compte de la réglementations européennes. De l'autre, ils profiteraient de leur statut d'entreprises contrôlées directement ou indirectement par l'Etat chinois pour bénéficier de mesures particulièrement favorables, allant de subventions directes à des coûts réduits dans l'acquisition de matière première.
La plainte apporte en outre la preuve que ces importations ont augmenté en volume et en part de marché, augmentation qui a "entre autres conséquences, un impact négatif sur les quantités vendues et sur le niveau de prix pratiqués ainsi que sur la part de marché détenue par l'industrie de l'Union, ce qui entraîne des effets négatifs substantiels sur la situation financière de l'industrie de l'Union". D'autant que, selon la plainte, la Chine a encore d'importantes quantités de câbles à exporter.
"Europacable et ses sociétés membres assisteront et soutiendront activement la Commission européenne dans les efforts visant à rétablir des conditions de concurrence équitables sur le marché européen des câbles à fibres optiques. Les membres d'Europacable sont fermement résolus à maintenir et, le cas échéant, à chercher à rétablir des conditions de concurrence équitables pour l'ensemble de la gamme de fils et câbles qu'ils représentent sur le marché européen" écrit le regroupement dans son communiqué. L'enquête de la Commission européenne peut durer jusqu'à 14 mois, mais le régulateur est susceptible, si nécessaire, de prendre des mesures d'urgence.