Laetitia Avia ne s’arrête pas à un échec face au Conseil Constitutionnel. Sa proposition de loi sur la lutte contre la haine en ligne fera son retour dans la loi contre le séparatisme, abandonnant certaines mesures à l’instar de l’obligation de retrait en 24h, mais contraignant les plateformes à mettre les moyens suffisants.
La députée Laetita Avia multiplie les interviews et, à chaque fois, dessine un peu plus les contours de sa future loi contre la haine en ligne. La première tentative, bien que adoptée à l’Assemblée et au Sénat, avait été retoquée par le Conseil Constitutionnel. Les Sages jugeaient alors que certaines dispositions étaient attentatoires aux libertés, notamment la liberté d’expression, sans que leur finalité ne justifie ces atteintes.
Actualité aidant, l’idée fait son grand retour, intégré au projet de loi contre le séparatisme qui sera présenté la semaine prochaine en conseil des ministres. "Il y aura dans le projet de loi un titre entier consacré à la lutte contre les discours de haine et les contenus illicites sur internet" assure ainsi la députée dans les colonnes de L’Obs. Mais sans la mesure phare de la première version, sur l’obligation de retrait en 24h des contenus illicites par les plateformes, retoquée par le Conseil Constitutionnel.
Renforcer la modération
Ainsi, dans la nouvelle mouture, on retrouve des mesures annoncées au lendemain de l’assassinat de Samuel Paty, avec la création d’un “délit de mise en danger d'autrui par la publication de données personnelles” ainsi qu’une simplification de la procédure administrative, qui pourrait également aboutir sur la naissance d’un parquet dédié au numérique et d’une nouvelle plateforme de signalement, parallèle à Pharos.
Les plateformes ne sont évidemment pas oubliées. La loi Avia leur faisait la part belle et, sous couvert d’obligations et de contraintes, renforçait leurs prérogatives de censeurs d’Internet. Laetitia Avia change son fusil d’épaule, préférant désormais les contraindre à mettre en place les moyens suffisants pour lutter contre la haine en ligne. Soit “des obligations de modération, avec des moyens humains, techniques et financiers qui soient bien proportionnels à leur activité”.
Permis internet
“La finalité est de permettre un traitement prompt des signalements et un examen approprié des contenus. On veut que les plateformes fassent plus attention à ce qu’il se passe sur leurs outils. Et, concrètement, qu’elles recrutent des milliers de modérateurs” insiste la députée. De même, elle souhaite que les réseaux sociaux fassent preuve de davantage de transparence notamment quant à leurs algorithmes et à la suppression automatique, voire proactive de contenus illicites. Selon Laetitia Avia, “il faut une information systématique des autorités” : en conséquence le projet de loi devrait contraindre les plateformes à signaler d’elles-mêmes aux autorités tout contenu illicite, quand bien même ceux-ci ne sont pas affichés publiquement ni signalés par d’autres utilisateurs.
L’ensemble de ces mesures devra aussi s’articuler avec le projet de réglementation européenne Digital Service Act, dont le contenu devrait être connu d’ici à la fin de l’année, et qui comportera un pan consacré à la lutte contre la haine en ligne. Notons enfin que, sur l’aspect éducation, la députée appelle à la création d'un “permis Internet” dans les collèges, “un examen du même ordre que l'attestation scolaire de sécurité routière qui permettrait de sensibiliser dès le plus jeune âge à l'usage des réseaux sociaux”.