D’après un courrier de deux sénateurs Américains envoyé à des cadres du renseignement, la CIA a collecté des données de citoyens Américains en dehors du cadre statutaire et sans aucun contrôle judiciaire du Congrès ou de l'exécutif. La nature et l'étendue des collectes demeurent inconnues.
Un scandale est en train de naître outre-Atlantique. Selon deux sénateurs démocrates de la commission sénatoriale du renseignement, la CIA aurait collecté des données sur des citoyens Américains. L’agence de renseignement n’a normalement pas le droit de se livrer à de l’espionnage domestique. Cependant, dans le cadre de programmes de collectes de larges flux de données internet ou téléphonique, certaines données appartenant à des Américains ont pu être recueillies.
En avril 2021, les deux sénateurs en question, Ron Wyden (Oregon) et Martin Heinrich (Nouveau-Mexique) ont envoyé une lettre au directeur de la CIA William J. Burns et à la directrice américaine du renseignement national Avril Haines. Ladite lettre a été déclassifiée jeudi, dans une version largement expurgée. Les sénateurs accusent la CIA d’agir « en dehors du cadre statutaire qui, selon le Congrès et le public, régit cette collecte, et sans aucune surveillance judiciaire, du Congrès ou même de l’exécutif qui accompagne la collecte. »
Ils demandent à ce que soit déclassifié le Privacy and Civil Liberties Oversight Board (PCLOB). Dans le détail, d’après les sénateurs ce programme de collecte de masse de la CIA, fonctionne en dehors des lois du Congrès et sous la seule autorité du décret exécutif 12333. Signé par le président républicain Ronald Reagan en 1981, ce texte élargit les prérogatives des agences de renseignements.
Des contours flous
La lettre et les documents de la CIA ayant été largement expurgés, il n’a pas été possible de déterminer la nature exacte de la surveillance, ni même quand celle-ci a débuté, et si elle se poursuit actuellement. Il n’a pas non plus été établi si une autre agence de renseignement effectuait des surveillances. Les sénateurs demandent à ce que la nature des documents collectés, leur quantité et la fréquence des collectes soient révélées – que la relation de l’agence et de ses sources soit connue – et que le voile soit levé sur le cadre juridique du programme.
Le courrier précise que les sénateurs du conseil de la protection de la vie privée n’étaient pas au courant des contours exactes des programmes de la CIA, avant 2021. Entravant de fait sa capacité à informer le public.
La CIA elle, monte au créneau. L’agence a publié un communiqué dans lequel, sans démentir, elle assure agir en accord avec le droit. « La CIA reconnaît et prend très au sérieux son obligation de respecter la vie privée et les libertés civiles des personnes américaines dans la conduite de sa mission vitale de sécurité nationale, et mène ses activités, y compris les activités de collecte, conformément à la loi américaine, au décret 12333 et aux Directives du procureur général », a déclaré Kristi Scott, responsable de la confidentialité et des libertés civiles de l'agence.
Des précédents
Le sujet n’est pas pris à la légère outre-Atlantique. Rappelons qu’en 2013, Edward Snowden avait révélé que l'Agence de sécurité nationale (NSA) collectait des métadonnées auprès des opérateurs sur les appels téléphoniques et les SMS de citoyens Américains. Un scandale qui avait franchi les frontières États-Unis.
Certaines enquêtes journalistiques menées entre autres par The Wall Street Journal, avaient aussi levé le voile sur certaines pratiques de la CIA. Dans le cadre d’un programme de lutte contre le financement du terrorisme, l’agence avait obtenu des données d’entreprises comme Western Union Co., relatives à des transferts d’argent internationaux et qui comprenaient des données financières et personnelles appartenant à des citoyens Américains.