Pour la justice canadienne, Internet n’a pas de frontières mais pour Google, il y en a une : la justice américaine, forte du Premier Amendement sur la liberté d’expression. Ce faisant, Google demande d’un tribunal américain qu’il interdise aux USA l’application de l’injonction canadienne obligeant Mountain View au déréférencement à l’échelle mondiale de pages web.
Le mois dernier, une décision de la Cour Suprême résonnait comme un coup de tonnerre, entendu jusqu’en Europe. La justice canadienne ordonnait en effet à Google de retirer de ses résultats de recherche des pages non pas pour le seul Canada, mais pour l’ensemble de ses extensions. Soit un déréférencement à l’échelle mondiale.
L’affaire concerne un cas de contrefaçons que le contrefacteur, Datalink, continue de commercialiser: Mountain View a bel et bien retiré les liens de Google.ca, mais les pages de l’entreprise incriminée et condamnée restaient visibles dans les résultats de recherche dans le reste du monde. La plus haute juridiction canadienne en concluait alors que le déréférencement géographiquement limité ne mettait pas un terme au préjudice subi par le plaignant.
Evidemment, Google ne pouvait pas en rester là, alors que notre Conseil d’État national a transmis à la Cour de Justice de l’Union Européenne plusieurs demandes de clarification quant à sa jurisprudence sur le droit à l’oubli. Le géant a eu recours à la parade habituelle : le droit américain et surtout le 1er Amendement et sa sacro-sainte liberté de parole.
Une affaire qui n’en finira jamais
Dans une plainte déposé devant le Tribunal de District Nord de la Californie par Google à l’encontre d’Equustek, le plaignant dans l’affaire canadienne, le géant accuse l’injonction de la Cour Suprême du Canada d’être illégale aux Etats-Unis. Selon le texte de la plainte, Google, et Google seul, Bing et Yahoo n’ayant pas été poursuivi par Equustek, est visé par l’ordonnance et en souffre, les résultats de recherche étant compris dans le champ du 1er Amendement.
Mieux encore, l’entreprise américaine invoque le Communication Decency Act. Lequel accorde l’immunité aux plateformes Internet dont les services hébergent du contenu produit par des tiers. Puisque l’ordre de la Cour Suprême oblige Google à supprimer de ses résultats les pages de Datalink, cela reviendrait, en droit américain, à considérer Google comme à l’origine du contenu publié par Datalink. Ce faisant, la justice canadienne méconnaît encore le droit des Etats-Unis.
« Les plaignants canadiens n'ont jamais établi de violation de leurs droits en vertu de la législation américaine » écrit le géant. Il demande donc de la justice américaine qu’elle mette fin au « préjudice » qu’il subit et qu’elle déclare inapplicable aux USA la décision de la Cour Suprême Canadienne.