Le week-end dernier, environ un millier de personnes défilaient dans les rues de Moscou. La manifestation, qui a reçu l’aval des autorités, cherchait à protester contre la politique de censure qui se poursuit et se durcit dans la Russie de Vladimir Poutine. Le pays vient en effet de prendre des mesures drastiques pour les internautes locaux par l’intermédiaire de la Douma, l'Assemblée législative russe.
Concrètement, la législation prévoit que les FAI devront interdire l’utilisation de logiciels ou moyens proposant une anonymisation sur le Web. Ainsi, VPN, proxy ou le navigateur Tor seront donc proscrits, à moins qu’ils n’acceptent d’interdire l’accès à une liste de sites élaborée par le gouvernement russe. Les moteurs de recherche devront quant à eux effacer les mentions des sites concernés.
Revenu à la tête de l'Etat depuis 2012, Vladimir Poutine ne cesse d'accentuer les mesures de censure.
C’est Alexander Bortnikov, le patron du FSB, qui s’est chargé de convaincre les députés lors d’une réunion à huis-clos. Il les a également convaincus que cette loi devait passer rapidement. Elle sera donc appliquée visiblement d’ici juillet 2018. Depuis 2012 et le second accès au pouvoir de Vladimir Poutine, les mesures de protection et de censure se multiplient. En 2016, le parlement avait forcé les opérateurs de télécommunications à conserver toutes les communications pendant 6 mois, et les données concernant ces communications pendant trois ans. Depuis 2015, une loi impose aux services mails, médias sociaux et autres moteurs de recherche de stocker les données dans des serveurs situés en Russie uniquement. C’est ce qui avait mené au bannissement de LinkedIn en novembre 2016, puis définitivement en janvier 2017.
Pour Alexander Bortnikov, cette nouvelle loi était nécessaire car l’appareil de censure existant n’était « pas assez efficace ». Cette escalade dans la recherche du contrôle est vraisemblablement parallèle à celle des problématiques géopolitiques de la Russie : annexion de la Crimée, révolution ukrainienne, conflits au Moyen-Orient… « Le nombre d’affaires judiciaires découlant d’accusations « d’extrémisme », notamment pour des partages d’opinion ou de déclaration en ligne, a explosé », rappelle l’organisation Human Rights Watch (HRW). Le nombre d’internautes condamnés pour des infractions d'extrémisme est passé de 30 en 2010 à 216 en 2015.
Des conseils pour les géants du Web
Parallèlement, une deuxième loi a été votée ce mois-ci : elle impose aux opérateurs de téléphonie mobile d’identifier les utilisateurs, d’être en mesure de bloquer des messages si cela s’avère nécessaire et enfin, de permettre aux autorités d’envoyer leurs propres messages directement aux abonnés.
Très active sur ce sujet, l’organisation HRV propose sur son site une liste de recommandations tant à la Fédération de Russie qu’à ses partenaires internationaux, au Conseil de l’Europe et aux entreprises Internet présentes sur le territoire. Il s’agit notamment de Microsoft, Twitter, Facebook, Google ou VKontakte (le Facebook russe). L’organisation leur conseille de commencer par évaluer ces lois, de réduire le volume de données utilisateurs stockées dans le pays et d’adopter les politiques en matière de respect des Droits de l’Homme. Enfin, elle les encourage à publier des rapports bi-annuels de transparence.