La Cnil n’a pas eu besoin de mettre en demeure Web Editions. Epinglée car ses sites exposaient les données personnelles de leurs utilisateurs, la société a mis en œuvre en trois jours des mesures correctives. Ce qui n’a pas empêché le régulateur, s’appuyant sur une disposition de la loi Lemaire de 2016, de lui infliger une pénalité de 25 000 euros, considérant que le manquement était bien réel.
Web Editions vient de prendre de plein fouet une soufflante de la Cnil mâtinée de Loi pour une République numérique. Cette société propose divers services administratifs, jouant les intermédiaires entre l’usager et l’Etat. Prélevant au passage une commission sur des démarches gratuites, on retrouve fréquemment ses sites sur les plateformes de signalement d’arnaques. Elle édite ainsi www.porter-plainte.fr/, www.formalite-acte-de-naissance.org/, /www.demande-non-gage.org/, www.passeport-express.org/ et www.kbis.pro/. Sur les quatre premiers, la Cnil a été informée de quelques irrégularités.
Et pour cause, des informations personnelles de personnes remplissant les formulaires de démarches étaient publiquement exposées sur le Net. Si Web Editions assure que seul un informaticien « expérimenté » était en mesure d’accéder auxdites données, la Cnil retoque sans difficulté l’argument. Il suffisait de changer quelques chiffres du numéro en fin d’URL pour accéder « notamment aux données d’identification des personnes, ainsi qu’à leur adresse électronique, adresse postale, numéro de téléphone, nom et prénom de leurs parents lorsque la demande portait sur un acte de naissance, ainsi qu’aux descriptifs des faits dans le cadre des dépôts de plainte ».
Notifiée du problème par courriel le 13 janvier dernier (la date a son importance), Web Editions prévient la Cnil le 16 janvier qu’un premier site « avait été modifié afin de protéger les données à caractère personnel des utilisateurs et que les mesures correctrices allaient être répercutées sur les autres sites internet ». Plus concrètement, la société a mis en place un système d’authentification reposant d’une part sur un cookie de session enregistrée en local et un système de tokens d’identification individuels envoyés aux utilisateurs par mail.
Une décision post-loi République numérique
Surtout, Web Editions se défend en arguant s’être mis en conformité sans que la Cnil ait besoin de mettre la société en demeure, dans les cinq jours suivant la réception du courriel du régulateur l’informant de l’existence d’une violation de la loi Informatique et Libertés. De fait, il n’y a pas lieu à sanctionner l’entreprise : un avertissement suffit. Cette procédure était vraie en 2016, elle ne l’est plus en 2017, depuis la promulgation de la loi Lemaire du 7 octobre 2016.
Celle-ci permet en effet « la sanction des manquements constatés mais ne pouvant plus faire valablement l’objet d’une mise en demeure, soit que le manquement, de portée ponctuelle, ne puisse être corrigé, soit que la mise en conformité ait été entre-temps opérée sans attendre une mise en demeure ». En d’autres termes, la Cnil peut sanctionner un manquement constaté sans avoir à passer par la case mise en demeure. « Ce manquement a bien été dûment constaté, non contesté et a conduit à priver, pendant toute la durée de son existence, les utilisateurs des sites concernés de leur droit à ce que la confidentialité et la sécurité de leurs données soient assurées » écrit le gendarme des données personnelles dans sa délibération.
La Cnil juge que la gravité du manquement commis est caractérisée et que certaines données exposées étaient sensibles. Ainsi, la société écope d’une sanction pécuniaire de 25 000 euros. Et l’addition aurait pu être plus salée encore. Le régulateur a estimé que Web Editions avait réagi et coopéré avec suffisamment de diligence et a pris en compte la petite taille de l’entreprise. De fait, l’éditeur a évité une sacrée douloureuse : le rapporteur demandait 200 000 euros d’amende, avant de se prononcer en faveur d’une sanction plus modeste à hauteur de 120 000 euros.