En début d’année, quelques surnoms ont circulé concernant la French Tech Bordeaux : « French Tech Dallas », « French Tech OK Corral »… Il faut bien dire qu’en juin 2017 la situation était pour le moins tendue au sein de la Métropole. Mais force est de constater que l’association a, depuis, remonté la pente et qu’elle se présente aujourd’hui sous son meilleur jour.
La French Tech Bordeaux a connu une crise majeure. La presse locale s’en était largement fait l’écho, notamment en mai dernier. L’association était en cessation de paiement, les salaires de ses trois permanents n’avaient pas été versés. En cause le blocage par Bordeaux Métropole, principal financeur – à hauteur de 64 % des fonds – de la French Tech Bordeaux, de la subvention 2017. En arrière plan, un drôle de ménage où la ville, la CCI Bordeaux Gironde et le Conseil régional, d’un autre bord politique, s’affrontent ; et un délégué général de la French Tech, Xavier Lainé, dans une situation instable, avec un comité à l’origine de la labellisation bien embarrassé.
La crise qu’a connu la French Tech Bordeaux est, semble-t-il, avant tout politique. La Région souhaitait « s’impliquer davantage », proposant que la French Tech Bordeaux soit intégrée au pôle d’excellence régional sur le numérique. Or, la Métropole s’y était irrévocablement opposée. Bilan : une association totalement paralysée. On craignait même que Bordeaux perde son label au 1er janvier 2018…
La feuille de route 2017 de l’initiative devait être remise avant novembre 2016 : et en mai 2017, elle se faisait encore attendre.
« Il faut que tout le monde puisse enfin se remettre autour de la table : il y a trop de politique dans French Tech Bordeaux, cela ne convient pas à la grande majorité de ses membres entrepreneurs et ce n’est pas du tout son objet », expliquait Xavier Lainé à La Tribune, dans sa dernière interview en tant que délégué général. Après quoi il était quasi impossible de savoir de l’extérieur qui dirigeait la French Tech. Ce n’est que très récemment que nous avons appris que l’association se passait de délégué général, depuis « la fin du premier semestre ». Depuis, c’est le coordinateur, Pierre Dejean, qui incarne plus ou moins le volet opérationnel.
Dépolitiser la French Tech
On ne sait si c’est par dépit ou par volonté de faire bouger les choses que l’intégralité du comité de pilotage de la French Tech Bordeaux (Christophe Charle, cofondateur de CDiscount, Julien Parrou-Duboscq, fondateur de Concoursmania, Mathieu Llorens, directeur général d’AT Internet, François Goube, président de Cogniteev, Jérôme Le Feuvre, directeur général de News Republic, et Agnès Grangé, du groupe La Poste et figure de proue de la French Tech Bordeaux) a démissionné en mai. En fin juin, l’assemblée générale de la French Tech Bordeaux élit une nouvelle équipe, plaçant à sa tête Jérôme Leleu, CEO de SimforHealth. Puis, c’est le silence radio…
Jusqu’au 12 décembre. L’évènement French Tech Connect rassemble quelque 4 600 personnes au Palais de la Bourse. Grands groupes et start-up étaient présents, mais aussi le secrétaire d’État au Numérique, Mounir Mahjoubi. « Une réussite » se réjouit Jérôme Leleu. Ces six derniers mois, le nouveau comité n’a pas chômé. « Il y avait des choses à caler dans l’association », nous explique au téléphone le président de la French Tech Bordeaux. Son fonctionnement et sa gouvernance ont été revues, les aspects financiers réglés. « Le budget a été validé par le comité et les permanents ont été payés », indique Jérôme Leleu. « Les fonds viennent toujours à 100 % du public, mais nous réfléchissons en 2018 à initier des revenus fournis par des acteurs privés, comme c’est le cas dans d’autres French Tech. » Et ce, en dehors de toute considération politique. De toute façon, « la politique n’intéresse pas les entrepreneurs ». Aux yeux de l’actuel président, si la Métropole, le CCI et la Région continuent de financer l’association, « la gouvernance doit être entrepreneuriale ». Pour autant, Jérôme Leleu ne se voile pas la face et veut être le plus transparent possible. Il reconnaît sans ambages que la French Tech Bordeaux a connu une période difficile, tout en soulignant que « l’ancien comité a fait un travail important pour créer ce label et dynamiser cet écosystème ». Reste encore à recruter un nouveau délégué général pour remplacer Xavier Lainé.
Pour l’heure, la French Tech Bordeaux ne dispose pas de bâtiment totem. La Cité du Numérique devrait être achevée à la fin 2018.
Une nouvelle gouvernance
Mais la crise semble bel et bien terminée, en atteste l’image de la Région, de la métropole et de la CCI travaillant de concert pour envoyer une quarantaine de start-up locales au Consumer Electronic Show de Las Vegas, en janvier. « Dans l’esprit French Tech », se félicite le président du Comité, « Il y a maintenant une bonne dynamique, tout le monde va dans le même sens et les collectivités soutiennent la dimension entrepreneuriale. »
Faut-il pour autant croire que la French Tech Bordeaux s’est débarrassée du fardeau des rivalités politiques ? Celles-ci se sont au moins effacées et une feuille de route a enfin pu être validée par l’ensemble du Comité et les collectivités. D’un point de vue plus « opérationnel », ce comité se réunit tous les mois afin de valider certains aspects techniques et les permanents, délégué général et coordinateur en tête, ont pour mission de « mettre en musique ce qui a été décidé par le Comité ». Pour l’heure, la French Tech Bordeaux n’est pas dotée d’un bâtiment totem : la Cité du numérique, futurs locaux des permanents, est en construction. Le chantier devrait s’achever fin 2018 ou début 2019. Le nouveau comité s’est organisé en système de binômes, chacun dédié à un axe du plan d’action défini par le dossier de labellisation : International, Accélération, Talents, Animation et Visibilité Ecosystème. Ce qui permet aux entrepreneurs débarquant dans la région et aux anciens d’avoir des interlocuteurs spécialisés dans le domaine qui les touchent. Mais attention, Jérôme Leleu veut éviter toute confusion quant à la mission de la French Tech Bordeaux.
« Sur cet aspect pragmatique, il a fallu redéfinir le rôle de la French Tech Bordeaux. On doit être une sorte de radar pour l’entrepreneur qui veut s’installer dans la région Nouvelle Aquitaine », explique-t-il. Il ne s’agit donc pas d’une structure qui aurait pour prétention de rassembler les différents acteurs de l’écosystème en son sein, mais d’un « carrefour entre les entrepreneurs et les acteurs du terrain, un label qui renvoie vers telle ou telle structure qui accompagne ». Parmi les projets à court terme de l’équipe, sera mis en place dans les prochaines semaines un dispositif de mentorat basé sur le volontariat, où un parrain ou une marraine déjà implanté viendra apporter son expérience sur certains sujets aux jeunes pousses désireuses de se développer.
Autre projet dans le cartons de la French Tech Bordeaux, des événements transverses mêlant entreprises du numérique et des entreprises « moins numériques ». Et l’envoi d’entreprises au CES mais aussi au MWC, à l’IFA ou encore à Viva Tech fait partie des priorités de la nouvelle équipe. Symbole que la French Tech Bordeaux a bien repris du poil de la bête.
Article publié dans L'Informaticien n°164. Suite du reportage à venir ou à lire dans le magazine.