IA : ce que recommande Cédric Villani

Le rapport du député et mathématicien a été rendu public hier en fin de journée, imposant document de 235 pages déclinant moult recommandations quant à la stratégie de l’Etat sur l’intelligence artificielle. Les premières mesures pourraient être annoncées dès aujourd’hui par Emmanuel Macron.

Le rapport réalisé par Cédric Villani sur demande de l’exécutif à propos de l’intelligence artificielle est enfin public. Rapport consistant en une étude fort bien fournie de 235 pages, alimentée de cas concrets en France et à l’étranger, de références à d’autres textes, de très nombreuses recommandations, sans qu’on y trouve toutefois la moindre mesure chiffrée. Il faudra sans doute attendre les annonces d’Emmanuel Macron, qui rencontre par ailleurs le président de Samsung, pour avoir un aperçu de la stratégie de l’Etat décidée sur la base de ce rapport.

Cette feuille de route sur l’IA, dont les grandes lignes ont été présentées fin novembre à Mounir Mahjoubi, le secrétaire d’Etat au Numérique, balaie un champ très large, allant de questions éthiques à l’impact écologique de l’IA en passant par l’ouverture des données. Sur ce dernier point, le médaillé Fields croit en l’émergence d’un modèle propre à la France et à l’Europe, qui se traduirait par une incitation voire une obligation au partage et à la mutualisation des jeux de données, publiques mais aussi issues d’acteurs privés.

Approche sectorielle

Cédric Villani appelle de ses vœux une concentration sur quatre « secteurs stratégiques » : « santé, environnement, transports-mobilités et défense-sécurité ». Pour le député LREM, la stratégie de l’Etat doit être sectorielle, tant au niveau du développement de l’IA et de ses applications que de l’accès « différencié et sécurisé […] à des données pertinentes pour le développement d’IA, à des ressources logicielles ainsi qu’à des infrastructures de calcul d’ampleur significative ».

Autre proposition, la mise en place de « bacs à sable de l’innovation », qui consisteraient à alléger les contraintes réglementaires, accompagner les acteurs de l’IA et leur donner « des moyens d’expérimentation en situation réelle ». Evidemment « l’État doit être un puissant moteur de ces transformations », un exemple quant à l’intégration et l’utilisation de l’intelligence artificielle mais aussi le premier client, mettant « l’achat public au service du soutien aux industries européennes et à dynamiser l’achat public innovant ». Un « coordinateur interministériel » se chargerait de la  mise en œuvre de stratégie trans-sectorielle.

Un des principaux sujets de préoccupation de Cédric Villani est la recherche, la France étant « au premier plan mondial » mais a du mal à retranscrire ses travaux scientifiques en succès économiques. Pour le député, il faut former plus de personnes à l’IA, avec un accent mis sur la féminisation du secteur, subventionner plus de travaux mais aussi fournir aux chercheurs et à leurs partenaires industriels « un supercalculateur conçu spécifiquement pour les applications d’IA ». Et accessoirement rendre les perspectives de carrière dans la recherche publique plus « attractives », à l’aide d’incitations financières.

Pour un IA éthique, inclusive et écologique

Arrivent enfin les questions éthiques, écologiques et sociétales. Cédric Villani soutient que « l’IA ne peut pas être une nouvelle machine à exclure ». Dans le monde du travail, le mathématicien reconnaît que les études sur les évolutions à venir sont contradictoires mais que l’impact à venir de l’IA est indéniable. Mais pas de solution miracle, il faut d’abord expérimenter, progresser à tâtons.  Il recommande donc la création d’une structure, sorte de « lab public de la transformation du travail » qui aura pour objectif « d’expérimenter et d’anticiper ».

En outre, si le député conseille de rendre les algorithmes plus transparents et d’en faciliter l’audit, il considère que les chercheurs, ingénieurs et entrepreneurs doivent développer leurs algos de manière responsable, en prenant en compte les enjeux sociaux, économiques et écologiques. D’où cette recommandation d’un « comité d’éthique des technologies numériques et de l’IA », chargé d’organiser le débat public et d’éclairer les choix technologiques, tant dans le privé que dans le public.