Empêtré dans le scandale Cambridge Analytica qui a fait perdre 16% à l’action en une semaine, le patron de Facebook multiplie les déclarations après s’être muré dans le silence. Cette stratégie de communication tous azimuts est-elle payante ? Rien n’est moins sûr.
Il y aura un avant et un après l’affaire Cambridge Analytica : c’est désormais une certitude. Toutefois, ceux qui prédisent la disparition de Facebook vont certainement un peu vite en besogne. Avec plus de deux milliards d’utilisateurs dans le monde, il est peu probable que le réseau ferme ses portes même s’il sera intéressant de voir dans les prochains mois l’impact qu’a eu le fameux #deletefacebook. Bien évidemment quelques initiatives de fermeture ont eu la faveur des médias comme Tesla supprimant ses pages sur le réseau, mais il s’agit en fait d’un coup de communication de plus d’Elon Musk, lui-même emberlificoté dans des problèmes bien plus graves.
Ses pairs très critiques
Dans les jours qui ont suivi les révélations autour de l’aspiration massive de profils utilisateurs par Cambridge Analytica, le tout à des fins de propagande électorale, le patron de Facebook s’est réfugié dans le silence. Il s’est finalement décidé à parler dans un acte de repentance tout à fait classique, expliquant qu’il était désolé, qu’il ne savait pas ou, plus exactement, que le réseau avait été abusé et que tout ceci ne se reproduirait plus…fermez le ban.. L’action a perdu près de 100 milliards de capitalisation boursière et les critiques des autres acteurs se sont faites virulentes. Elon Musk, déjà cité, tout comme Tim Cook, affirmant qu’il n’aimerait pas être à la place de Zuck, ou encore Marc Benioff ont vertement critiqué la plateforme et son dirigeant. Aussi, dans les jours qui ont suivi, le jeune milliardaire qui est tout sauf un imbécile s’est rendu compte que ses explications contrites ne suffisaient cette fois plus et qu’il fallait réagir.Revoir la gouvernance de Facebook
Il multiplie donc initiatives de fermetures de comptes (70 comptes et 138 pages appartenant à l'Agence de Recherche Russe) et communique à tout va dans les médias. Reuters a eu le droit à son interview téléphonique tout comme Elza Klein de Vox Media qui a eu, lui, le droit à une interview fleuve que l’on peut retrouver à cette adresse. Dans cette interview, il revient sur cette idée que Facebook est désormais plus comparable à un gouvernement qu’une entreprise traditionnelle et indique chercher comment mettre en place une gouvernance plus en phase avec les valeurs des membres dans le monde entier. Il met en avant également la notion de transparence, reconnaissant que l’entreprise ne l’est pas suffisamment aujourd’hui et envisage la création d’une sorte de Cour Suprême, composée de personnalités n’appartenant pas à Facebook et qui auraient la décision finale sur ce qui peut être publié ou pas lors de cas litigieux.
Le RGPD... à moitié
Dans une autre interview accordée à Reuters, M. Zuckerberg revient sur le RGPD qui va être mis en place en Europe le 25 mai prochain. S’il dit adhérer au principe général, il indique également que les prescriptions du RGPD ne constitueront pas le standard mondial de protection des données pour l’entreprise qu’il dirige. Cette position pourrait cependant être revue sous la pression de plusieurs personnalités américaines qui souhaitent que les principes du RGPD européen soient transcrits aux USA pour des entreprises telles que Facebook ou Google. L’interview est à retrouver à cette adresse.
Finalement, on se demande si cette débauche de communication n’est pas contre-productive, particulièrement si l’on considère que Facebook n’entend pas changer radicalement ses pratiques commerciales lesquelles reposent sur les données des utilisateurs pour leur adresser des messages publicitaires les plus ciblés possibles.. De même, ces explications et déclarations ont pour conséquence que Facebook est désormais scrutée comme elle ne l'a jamais été et d'autres révélations embarrassantes pourraient donc survenir. Il faudra attendre quelques mois et la publication des prochains résultats pour évaluer si cette stratégie d'occupation du terrain médiatique est la bonne.