La liste des manquements de l’école de Xavier Niel est longue : vidéosurveillance intrusive, images largement accessibles, données personnelles conservées indéfiniment, manque de sécurisation, défaut d’information… le gendarme des données personnelles a mis en demeure l’association de se mettre en conformité, et fissa !
Après les accusations de sexisme en son sein, l’École 42 de Xavier Niel se voit reprocher de nombreux manquements à la législation sur la protection des données. Les 12 et 13 février dernier, une délégation de la Cnil mène un contrôle dans les locaux de l’école, réputée pour son approche pédagogique originale. Et constate la présence de caméras autres que celles des chaînes de télévision lors des visites présidentielles. Les lieux sont en effet équipés de 60 caméras de vidéosurveillance utilisées « à des fins de protection des biens et des personnes ».
« Certaines permettent de visualiser les espaces de travail où sont installés les postes informatiques à disposition des étudiants, l’intérieur d’un amphithéâtre, des espaces de pause, une entrée desservant les sanitaires, ainsi que les postes de travail de plusieurs membres du personnel administratif » remarque la Cnil. Si filmer les accès ou des postes de travail dans des circonstances particulière (« par exemple lorsqu’un employé manipule des fonds ou des objets de valeur » signale l’autorité) est autorisé, le fait de filmer les lieux de vie et les postes de travail des employés se justifie beaucoup plus difficilement. « En l’espèce, aucun élément apporté par l’association ne permet de justifier que les étudiants et le personnel soient placés sous surveillance permanente » écrit le gendarme des données personnelles.
42 is watching you
Pire encore, ni les étudiants ni les personnes extérieures a l’établissement, ne sont correctement informés de cette vidéo surveillance. A aucun moment les destinataires des données ou la durée de conservation des images ne sont précisées. D’autant que les images sont accessibles par « le personnel administratif et les agents de sécurité ». Les étudiants, eux, n’ont droit qu’aux images en temps réel via « une application disponible sur le réseau intranet de l’école ». Or la Cnil considère que « l’accès aux images issues du système de vidéosurveillance doit être strictement réservé aux personnes habilitées au regard de leur fonction ». Et quand bien même, l’accès aux vidéos par les agents de sécurité requiert qu’ils renseignent sur une autre application « leur propre identifiant associé à un mot de passe de 5 caractères alphanumériques ». Ce qui fait un peu léger aux yeux de la Cnil, qui considère que la sécurité n’est pas suffisamment assurée.
Et il n’y a pas que la vidéosurveillance qui pose problème à 42. Lors de son contrôle, la Cnil a également été informée que les données renseignées par les candidats à l’entrée dans l’école, qui doivent pour se faire créer un compte, « sont conservées en base active sans limite de temps » et collectées sans « qu’aucune information relative au traitement des données n’est délivrée aux candidats, ni au moment de leur inscription aux différents tests, ni à l’occasion de leur entrée dans l’école ». De même pour les dossiers pédagogiques des étudiants « même lorsque ceux-ci ont quitté l’école ». Cette conservation indéfinie n’est pas, pour la Cnil, « proportionnée à la finalité du traitement ».
Des informations médicales et familiales conservées indéfiniment
Et on ne s’arrête pas en si bon chemin. En effet, dans lesdits dossiers pédagogiques, un champ est laissé libre pour que l’administration puisse « renseigner des informations permettant de justifier les choix pédagogiques effectués pour les étudiants ». Le gendarme des données personnelles y relève la présence d’informations sensibles, telles que l’état de santé ou la situation familiale de l’étudiant. « Été diagnostiqué de plusieurs maladies graves […], Entre le procès avec son ancien employeur, […]et sa dépression, [X] n'a pas du tout pu se consacrer à 42 , il a à nouveau rechuté dans la dépression , Sa mère a eu un cancer juste avant sa rentrée […] » par exemple. « L’inscription au sein de la base de données, à laquelle l’ensemble de l’équipe administrative accède, d’informations relatives à l’état de santé de l’étudiant ou à sa situation familiale, apparait disproportionnée au regard de la finalité du traitement, en l’espèce, la gestion pédagogique de l’étudiant » écrit la Cnil.
Mot de passe transmis par courriel
Enfin, l’École 42 génère automatiquement pour ses inscrits un mot de passe « d’une robustesse insuffisante car composés de 8 caractères alphanumériques comprenant des lettres majuscules et minuscules ». « Ces mots de passe leur sont adressés dans un courriel en clair » remarque la Cnil, sans qu’il soit exigé des étudiants qu’il définisse un nouveau mot de passe lors de leur première connexion. Le tout sans mécanisme de blocage des comptes après plusieurs échecs, ni mesure complémentaire d’authentification. L’école a deux mois pour se mettre en conformité.