Encore émergent l’année d’avant, le non volatile memory on express (NVMe) s’est imposé en 2018 chez la plupart des constructeurs et fournisseurs de solutions de gestion de données. Premier volet du dossier stockage paru dans L’Informaticien n°172.
HPE Nimble.
Si 2017 avait vu le démarrage du NVMe (Non Volatile Memory on Express) dans les baies de stockage, 2018 a été sa consécration chez la plupart des constructeurs. Il représente une évolution importante en termes de performance et de latence. Cette spécification permet à la technologie Flash de faire un usage optimal des capacités du bus PCI Express (Peripheral Component Interconnect Express). Auparavant les disques Flash étaient interfacés avec les SATA ou SCSI. La limite de cela était que ces bus avaient été optimisés pour les disques durs classiques. Les disques Flash se « déguisaient » en disques durs mais on ne tirait donc pas totalement avantage de la technologie Flash.
La spécification NVMe autorise, elle, l’utilisation d’un bus plus efficace et plus direct et optimise l’utilisation du Flash dans le stockage. Grâce à cela, la latence est fortement réduite. Les constructeurs de baies de stockage proposent de manière habituelle des latences aux alentours de 100 microsecondes soit des latences plus faibles d’un facteur 4 à 10 vis-à-vis des générations précédentes. La technologie autorise aussi un traitement plus grand d’IOPS par un nombre de files d’attente plus important via l’utilisation du parallélisme.
Le protocole NVMe prend en charge jusqu’à 64 000 commandes par file d’attente et jusqu’à 64 000 files d’attente par périphérique, alors que les disques SAS standard ne prennent en charge que 256 commandes dans une seule file d’attente et les lecteurs SATA ne supportent que 32 commandes par file. En outre, la technologie supporte le multipathing ce qui permet d’optimiser le routage des données pour le traitement.
Une technologie évolutive
La spécification peut évoluer et déjà pointe sur le marché le NVMoF (NVM over Fabric). Ce standard permet à l’interface NVMe de se connecter par des réseaux compatibles RDMA (Remote Direct Memory Access). Couplé avec Ethernet ou Infiniband, le standard va contourner la principale limite d’aujourd’hui, le réseau. Par le biais du RDMA, les données en mémoire peuvent être transférées des serveurs vers l’équipement de stockage, sans ou avec peu de puissance processeur. Les performances sont alors bien supérieures à celles obtenues par le traitement par des SSD locaux du fait que les files d’attentes n’engorgent pas la CPU qui devient dans ce cas le goulet d’étranglement. Certains constructeurs ont d’ailleurs contourné le problème en utilisant les multiples cœurs de processeurs graphiques, en particulier ceux de NVidia qui devient un acteur majeur dans le domaine.
Une baie Huawei OceanStor NVMe.
Proposé par l’ensemble du marché
Pure Storage a lancé le bal en début d’année en indiquant vouloir intégrer le NVMe dans toutes ses baies de stockage de la série X qui préadoptent le protocole NVMoF. La FlashArray//X90 propose une capacité effective de 3 Po – après déduplication et compression – dans un rack 6U. Cette baie offre des latences de 250 µs et des performances jusqu’à deux fois plus élevées que la précédente génération. L’idée est d’approcher les performances des stockages directement attachés. Ces baies représentent aujourd’hui 60 % des ventes de Pure Storage en France.
Depuis lors les autres constructeurs ont suivi. IBM a annoncé le support du NVMoF pour l’ensemble de son portefeuille de stockage à la fin du troisième trimestre de cette année. Ce support est réalisé sur l’ensemble des protocoles de communication : FC, Ethernet et Infiniband.
La galaxie Dell EMC n’est pas en reste avec l’annonce de son PowerMax, qui prend le relais du Vmax. Cette série de baies supporte de bout en bout NVMe et affiche la possibilité de traiter 10 millions d’IOPS pour sa baie PowerMax 8000. Avec cette architecture, Dell EMC s’ouvre la voie du SCM (Storage Class Memory) qui, en termes de rapidité, se placera entre la DRAM volatile et les systèmes Flash, en apportant du stockage persistant.
Micron produit déjà en volume
Quasiment dans le même temps, HPE annonçait le support du NVMe pour ses baies issues du rachat de Nimble Storage. L’exploitation de la technologie devra cependant attendre que les prix des disques NVMe baissent. Les prix devraient devenir compétitifs durant l’année prochaine et des fabricants comme Micron produisent déjà des disques NVMe en volume et en quantité suffisante. Il reste cependant qu’aujourd’hui ce sont plutôt les fournisseurs de Cloud qui les utilisent. Les entreprises devraient s’y convertir plus tard.
NetApp s’est aussi placé sur cette technologie avec sa baie AFF 8000 qui complète par le haut ses baies AFF 700 et 700s. Se présentant sous la forme d’un système Rack bicontrôleur de 4U, elle propose 48 emplacements pour disques NVMe à deux ports. La baie combine des disques NVMe et des disques Flash SAS. Cet hybride peut supporter un maximum de 240 disques SSD pour une capacité brute maximale de 6,6 Po et une capacité utile de 26,4 Po. Le constructeur a annoncé aussi le support prochain du NVMoF sur Fibre Channel (FC) qui sera intégré à la prochaine mouture de l’OS de stockage maison, OnTap 9.4. L’OS étendra le support de FC-NVMe aux baies Flash existantes du constructeur.
Plus récemment, DDN (DataDirect Networks) indiquait refondre son offre Exascaler via des disques NVMe avec 24 SSD NVMe à double port dans des châssis rack 2U.
Modèle purement logiciel
D’autres acteurs sont très actifs dans le domaine : Excelero, Apeiron, Vexata, E8 et Kaminario. Il est à noter que les deux dernières entreprises citées se tournent désormais vers un modèle purement logiciel et ont arrêté de fournir des appliances. E8 a certifié des serveurs de HPE, Dell EMC et Lenovo pour accueillir sa solution de stockage haute performance NVMe. Vexata pense lui aussi à une version 100 % logicielle de son offre.
On le voit, la concurrence est rude sur les environnements haut de gamme et le NVMe est le fer de lance des constructeurs pour les environnements demandant à la fois performance en IOPS et une faible latence. Le NVMe devient le nouveau standard. Si les gros consommateurs du monde du Cloud se sont déjà convertis, les entreprises devraient cependant mettre plus de temps à adopter pleinement le NVMe, même si la demande est forte selon les différents constructeurs. ❍
Cet article est extrait du dossier Stockage paru dans L'Informaticien n°172.