Voilà plus de six ans que la question se pose : Skype doit-il s’enregistrer comme un « service de communications électroniques » et se voir appliquer les mêmes obligations que n’importe quel telco ? Dans un arrêt du 5 juin, la CJUE répond par l’affirmative.
Skype est un « service de communications électroniques » comme les autres, estime la Cour de justice européenne. Ou plus exactement le service SkypeOut, qui permet à un utilisateur, contre paiement, d’appeler depuis Skype « un numéro fixe ou mobile d’un plan national de numérotation », soit le téléphone d’une personne qui, elle, n’est pas sur Skype.
Ce service est dans le collimateur de la justice belge depuis 2016, l’Institut belge des services postaux et des télécommunications affrontant l’éditeur devant les tribunaux du Plat Pays quant au statut de SkypeOut. Le régulateur belge accuse en effet l’entreprise de ne pas s’être enregistrée en tant qu’opérateur télécom, contournant ainsi les obligations qui incombent aux opérateurs et permettant à Skype de pratiquer des tarifs très agressifs.
D’Internet au réseau téléphonique public commuté
Mais le service de VoIP propriété de Microsoft ne l’entendait pas de cette oreille et a fait appel. Et la justice belge, en 2018, a, à son tour, fait appel aux lumières de la Cour de justice européenne. SkypeOut, service de Voix sur IP mais « terminé sur un réseau téléphonique public commuté vers un numéro fixe ou mobile d’un plan national de numérotation » doit-il être qualifié de « service de communications électroniques » au sens du droit européen.
En France, la question s’était posée en 2013, l’Arcep reprochant les mêmes faits à Skype, considérant que « ce service consiste à fournir un service téléphonique au public ». La CJUE vient de trancher en ce sens, quand bien même l’entreprise se défendant que « transmettre des signaux » et donc de fournir un service de communication électronique au sens du code européen des télécoms.
Sauf que, aux yeux des juges de Luxembourg, des signaux vocaux il y en a bel et bien. « SkypeOut consiste principalement à transmettre les signaux vocaux émis par l’utilisateur appelant à destination de l’utilisateur appelé sur les réseaux de communications électroniques, à savoir sur Internet tout d’abord puis sur le RTPC ensuite » écrit la Cour dans son arrêt. Et ce grâce aux accords passés avec les opérateurs télécoms, sans lesquels la fonctionnalité ne permettrait pas d’appeler un numéro.
Skype : Out
Conclusion de la CJUE : « une fonctionnalité offrant un service VoIP, qui permet à l’utilisateur d’appeler un numéro fixe ou mobile d’un plan national de numérotation via le RTPC d’un État membre à partir d’un terminal, constitue un « service de communications électroniques » […] dès lors que la fourniture dudit service, d’une part, donne lieu à rémunération de l’éditeur et, d’autre part, implique la conclusion par ce dernier d’accords avec les fournisseurs de services de télécommunications dûment autorisés à transmettre et à terminer des appels vers le RTPC ».
Et si SkypeOut est seul désigné comme un « service de communications électroniques », son éditeur doit en assumer la responsabilité envers les utilisateurs payant pour ce service. En d’autres termes, Skype est contraint de se conformer aux obligations incombant aux opérateurs télécom selon la directive de 2002. Ainsi, service universel, protection de l’abonné et de ses données, tarifs réglementés et accessibilité devront s’appliquer à SkypeOut.