Une IA n’est pas un inventeur, selon l’Office européen des Brevets

L’EPO vient de refuser le dépôt de deux brevets au motif qu’ils ont été soumis non par un humain, mais par une machine. Cette décision relance de plus belle le débat sur le statut juridique des intelligences artificielles.

Une IA peut-elle créer ? Au-delà de la discussion philosophique, on a déjà vu des systèmes d’apprentissage automatique écrire des romans ou peindre des tableaux. D’autres encore cherchent à déposer des brevets pour leurs inventions, c’est le cas de DABUS, une IA créée par Stephen Thaler. Celle-ci a déposé en Europe, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis des dossiers afin de breveter deux de ses inventions.

Or fin décembre, l’European Patents Office a annoncé qu’il rejetait la demande « au motif qu’elle ne satisfait pas à l'exigence de l’EPO selon laquelle un inventeur désigné dans la demande doit être un être humain et non une machine ». La décision détaillée de l’agence européenne est attendue plus tard ce mois mais le sujet était déjà sujet à controverse.

En août 2019, un porte-parole de l’EPO expliquait à la BBC au sujet des brevets déposés par DABUS que le « consensus global fait qu'un inventeur ne peut être qu'une personne qui contribue à la conception de l'invention sous la forme de la conception d'une idée ou d'un plan dans son esprit ». Il soulevait en outre le fait que l’IA est, et sera encore longtemps, un « outil » utilisé par un inventeur humain… au même titre que le pinceau d’un peintre.

Outil ou « inventeur artificiel »

Toutefois, Stephen Thaler présente pour sa part DALUS comme doté de la capacité à concevoir et développer de nouvelles idées, « ce qui est traditionnellement considéré comme la partie mentale de l'acte inventif ». DABUS en effet n’a pas été conçu pour répondre à un problème donné : il s’agit plus techniquement d’un « essaim de nombreux réseaux de neurones déconnectés […] qui se combinent et se détachent constamment en raison d'un chaos soigneusement contrôlé introduit à l'intérieur et entre eux. Ensuite, à travers des cycles cumulatifs d'apprentissage et de désapprentissage, une fraction de ces réseaux s'interconnectent en structures représentant des concepts complexes ».

Ces chaînes de concept vont de même se connecter avec d’autres chaînes de concepts, formant des « structures éphémères » qui « s'estompent, tandis que d'autres prennent leur place ». Ce qui, selon le chercheur, n’est pas sans rappeler « le flux de la conscience ». Ainsi, là où d’autres IA ne feront qu’optimiser une invention humaine à partir des données et des facteurs qui leur sont fournis, DABUS est en mesure d’inventer.

Ou, très schématiquement, alors que pour une IA plus traditionnelle, répondre à un souci d'hygiène bucco-dentaire consiste à optimiser les paramètres de la brosse à dents, tels que l’inclinaison des poils, leur rigidité, leur composition, DABUS, elle, inventera la brosse à dents. A ce titre, puisque le système peut inventer sans l’intervention humaine, peut-on encore parler d’un outil ? Le débat est loin d’être clos.