Avec les autorisations temporaires et très probablement non reconduites de recourir aux équipements 5G de Huawei, l'État a pénalisé SFR et Bouygues Télécom, à en croire les deux opérateurs. La décision de l'exécutif est en effet de nature à engendrer des coûts supplémentaires pour les deux entreprises, des coûts qui, selon le Conseil constitutionnel, n'incombe aucunement à l'État. Les opérateurs en seront donc pour leurs frais.
Bouygues et SFR avaient très mal pris la semi-interdiction de s’équiper en matériel 5G chez Huawei. D’autant que, pour des questions d’interopérabilité, ne pas pouvoir se fournir auprès de l’équipementier chinois les oblige à remplacer tout ou partie de leurs équipements déjà installés au titre des anciennes générations de communication mobile. Bouygues a ainsi annoncé qu’il allait devoir démanteler 3000 antennes Huawei d’ici à 2028.
Ces opérations de remplacement ont un coût et les deux opérateurs entendaient que l’État, puisque c’est au nom de la sécurité nationale qu’il a pris la décision de bannir Huawei, devrait en assumer au moins une partie. Une demande déboutée par le secrétaire d'État Cédric O, qui niait toute négociation sur ce sujet avec les opérateurs, tandis que ces derniers saisissaient le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel.
Libres d'entreprendre
Auprès de ce dernier, les opérateurs reprochaient à la décision de l’État de n’accorder que des autorisations temporaires à Huawei, de méconnaître la liberté d’entreprendre, le principe d’égalité devant les charges publiques et la garantie des droits, “remettant en cause les autorisations d'utilisation des fréquences délivrées par l'État aux opérateurs pour exploiter les réseaux des deuxième à quatrième générations de communication mobile”. Mais aux trois accusations les Sages ont répondu... “non”.
D’une part, le Conseil constitutionnel estime que le législateur a mis en oeuvre par les dispositions incriminées des “exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation”, à savoir protéger les réseaux de communication des risques d’espionnage, de piratage et d’espionnage.
D’autant que “le champ de l'autorisation contestée est circonscrit, dès lors notamment que l'autorisation ne concerne que les entreprises qui, exploitant un réseau de communications électroniques au public, ont été désignées par l'autorité administrative comme opérateurs d'importance vitale au motif qu’elles utilisent des installations dont l'indisponibilité risquerait de diminuer d'une façon importante le potentiel de guerre de la Nation, son potentiel économique, sa sécurité ou sa capacité de survie et qui, de ce fait, sont tenues de coopérer à la protection de ces installations contre toute menace”.
Pas de charges publiques
Et puisque l’autorisation ne peut être refusée que par le Premier ministre, qui prend en compte les différents risques relatifs à la permanence, à l'intégrité, à la sécurité ou à la disponibilité du réseau ou à la confidentialité des messages et des informations, le législateur n’a pas visé un opérateur ou un équipementier en particulier, ajoutent les Sages. Quant à la nécessité de remplacer les anciens équipements, “de telles charges résulteraient des seuls choix de matériels et de fournisseurs initialement effectués par les opérateurs, lesquels ne sont pas imputables à l'État”. Un sacré camouflet pour SFR et Bouygues Télécom.
Enfin, le Conseil constitutionnel juge que le législateur n’a pas reporté sur des personnes privées des charges qui incomberaient à l'État, car la sécurité des réseaux relève directement des activités des opérateurs. En bref, pour le garant de la Constitution, la semi-interdiction des équipements de Huawei pour les sites 5G des opérateurs français n’enfreint ni la liberté d’entreprendre, ni le principe d’égalité devant les charges publiques.