Les membres de l’OCDE se sont enfin entendus sur la réforme de la fiscalité relative aux géants du numérique. Au moins ont-ils convenus que les deux piliers du projet, que les 137 juridictions membres ont élaboré, sont solides. Manque maintenant la volonté politique de les faire appliquer.
Voilà un bon moment que la taxe Gafam traîne entre diverses entités multinationales, ici l’UE, là l’OCDE. Depuis 2019, cette dernière planche sur le projet mais entre les réticences des uns et des autres, la politique de la chaise vide menée par les Américains et la crise sanitaire qui est venue s’additionner à l’ensemble, le tout a pris du retard, ce que l'organisation reconnaît dans un communiqué.
Mais, à l’occasion de sa réunion des 8 et 9 octobre, l’OCDE a fait un grand bond en avant dans sa réforme fiscale. Elle a en effet reconnu que “l'approche à deux piliers qu’[elle] élabore depuis 2019 constitue un socle solide pour un futur accord”. Rendez-vous compte ! les 137 pays et juridictions composant le “Cadre inclusif” qui travaillent sur le sujet se sont accordés sur ces deux piliers.
Ces deux piliers, ou plus exactement leurs “blueprints”, consistent pour le premier à un cadre fiscal international “plus équitable”, qui aboutirait à “la redistribution de 100 milliards USD aux juridictions du marché” et pour le second à cette fameuse refonte de l’impôt sur les bénéfices des sociétés, qui connaîtrait une hausse de 4% de ses recettes. Ainsi, les multinationales, notamment les géants du numérique paieront leurs impôts “là où elles exercent des activités soutenues et significatives, même sans présence physique”, réglant le problème du dumping fiscal pratiqué par bon nombre de sociétés.
Le risque d'une guerre commerciale
Mais si entente il y a sur le principe, aucun accord politique n’a pour l’heure été trouvé. Et, faute de consensus, l’OCDE, qui a présenté les deux piliers au G20 aujourd’hui même, doit encore “résoudre les questions techniques, d'élaborer un modèle de législation, des instructions ainsi que les règles et procédures internationales nécessaires”, soit un processus qui s’étalera encore jusqu’à mi-2021, sachant que nous ne sommes pas à l’abri d'un nouveau retard.
Et en l’absence de consensus justement, certains Etats dont la France décident de faire cavalier seul. L’OCDE s’en alarme, prédisant qu’il n’en ressortira rien de bon, voire que ces décisions risquent “d’entraîner une multiplication des taxes sur les services numériques et une augmentation de la fréquence des différends commerciaux et fiscaux préjudiciables à la sécurité juridique en matière fiscale et à l’investissement”.
“En l’absence de solution mondiale fondée sur un consensus, le risque de nouvelles mesures unilatérales et non coordonnées est réel et augmente de jour en jour” explique le secrétaire général de l’OCDE Angel Gurría. “Il est impératif de mener ces travaux à bonne fin. Un échec risquerait d’entraîner des différends fiscaux qui pourraient dégénérer en guerres commerciales, à l’heure où l'économie mondiale est déjà en grande difficulté”.
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