La commission des lois du Sénat a rejeté un amendement du gouvernement visant à organiser le vote anticipé par voie électronique pour l'élection présidentielle alors que, la veille, Le Monde publiait une tribune appelant à lever un moratoire national sur ce mode de vote électoral. Son utilisation lors de l’élection présidentielle semble illusoire. A l’horizon 2027 ? Ou plus tôt ?
L’élection présidentielle de 2022 verra-t-elle, localement ou au niveau national, l’augmentation du recours aux machines à voter comme nouveau mode de vote ? L’exécutif s’est penché sur la question, alors que le sujet refait surface à quatorze mois de l’élection présidentielle.
La commission des lois du Sénat a rejeté un amendement du gouvernement du 16 février visant à organiser le vote anticipé dans certaines collectivités le désirant par machine électronique, a-t-elle fait savoir dans un communiqué publié le lendemain.
« Sur le fond, [la Commission] a considéré que l’amendement du Gouvernement était de nature à alimenter la suspicion sur la sincérité de l’élection présidentielle et à remettre en cause la légitimité du président élu », a-t-elle écrit dans son communiqué pointant également que, sur la forme, il est « inenvisageable de modifier aussi radicalement les règles de l’élection présidentielle par un amendement déposé in extremis à la fin de la navette parlementaire, sans que ni les forces politiques ni le Conseil d’État aient été appelés à se prononcer ».
Le gouvernement à jusqu’à aujourd’hui jeudi pour redéposer un amendement, jour de débat du projet de loi organique.
La fiabilité au cœur des débats
L’amendement proposé par le gouvernement est intervenu le même jour que la publication d’une tribune, signée par 38 maires et députés, dans Le Monde appelant à lever un moratoire de 2008 sur l’utilisation des machines électroniques au-delà des 66 communes équipées.
Les auteurs de la tribune défendent ces machines à voter comme une « solution plus fiable que le vote par Internet ou par correspondance » alors même que le moratoire était justifié par une polémique autour d’incidents lors des élections présidentielle et législatives de 2007.
« On n'a pas d’accélération de panne d’une année sur l’autre. On remplace une dizaine de machines avant la période électorale et on remplace deux machines pour un parc de 1300 », nous a indiqué Hervé Palisson, directeur de France Élection, le fournisseur et mainteneur des machines à voter. Il rejoint les arguments des signataires ainsi que celles de deux sénateurs qui, dans un rapport de 2018 intitulé « Reconcilier le vote et les nouvelles technologies », avait conclu à la sûreté du vote par machine électronique.
« C’est un automate qui contient un firmware sur un Eprom qui n’est pas modifiable et scellé. L’automate agit toujours de la même façon. Le firmware est auditable, épluché. Il n y a pas de Cheval de Troie comme cela a pu être insinué ou quelques erreurs d’écritures », a précisé M. Palisson, assurant que les machines – bien que datant pour certaines de 2004 – peuvent fonctionner jusqu’en 2024.
M. Palisson a indiqué être favorable à l’amendement dans la mesure où il proposait une solution supplémentaire au mode opératoire du vote.
Le vote électronique dès 2022 ?
Le vote par machine électronique est-il donc appelé à s’imposer lors de la prochaine élection présidentielle ? Outre les réticences du Sénat et les questions autour de sa fiabilité s’ajoute les lenteurs législatives et logistiques pour l’imposer d’ici à 2022.
Un règlement technique de configuration de la machine, une conception de machine, un audit de vérification, un agrément du ministère de l’Intérieur, ainsi qu’un appel d’offres des villes concernées sont autant de ralentisseurs à la généralisation du vote électronique sur le territoire national.
« On peut imaginer débuter pour 2024, à l’occasion des Européennes », espère M. Palisson, favorable à la réécriture d’une règlement technique rendant les firmwares des machines à voter totalement auditables.