Dans une lettre ouverte à la Commission européenne, au Parlement et aux États membres, Dassault, Renault, Airbus ou encore Siemens s’inquiètent d’une réglementation européenne trop sévère qui étoufferait l’innovation en matière d’intelligence artificielle.
En mai dernier, le patron d’OpenAi, Sam Altman, menaçait : son entreprise pourrait bien cesser toute activité dans l’Union Européenne si elle s’avérait incapable de se conformer à la future réglementation relative à l’intelligence artificielle. En d’autres termes, si l’AI Act devait être trop contraignant, plus de ChatGPT sur le Vieux Continent.
Une enquête du Time a d’ailleurs montré une certaine duplicité de la part du fondateur d’OpenAI, qui d’un côté s’inquiète devant le Congrès américain des risques de l’IA et de l’autre envoie ses lobbyistes à Bruxelles afin d’édulcorer l’AI Act avant son passage au Parlement. Las ! les eurodéputés ont durci la version du texte adoptée mi-juin. Comment ne pas voir des représailles dans la décision d’OpenAI d’installer ses bureaux européens non à Paris, mais à Londres.
Péril réglementaire
Mais de notre côté de l’Atlantique aussi, les critiques commencent à se faire virulentes. Si le texte n’a pas encore été adopté, il provoque une levée de boucliers de la part, cette fois-ci, de 163 entreprises européennes. Dans une lettre ouverte en date du 30 juin, qui n’a pas encore été rendue publique mais que le Financial Times s’est procuré, Dassault, Siemens, Deutsche Telekom ou encore Airbus s’émeuvent des restrictions imposées à l’IA.
S’adressant à la Commission européenne, au Parlement et aux États membres, les signataires estiment qu’une réglementation trop stricte empêchera l’UE d’être à « l'avant-garde technologique ». « Selon nous, le projet de loi mettrait en péril la compétitivité et la souveraineté technologique de l'Europe sans relever efficacement les défis auxquels nous sommes et serons confrontés », écrivent les détracteurs du texte.
Fuite des cerveaux vers Londres
En cause, évidemment, des règles trop strictes quant aux cas d’usage, aux modèles et à l’utilisation des données, qui ne manqueront pas de provoquer des coûts de mise en conformité disproportionnés et des risques juridiques. Lesquels inciteront entrepreneurs, innovateurs et investisseurs à fuir l’Europe. Ainsi, parce que « l'Europe ne peut pas se permettre de rester sur la touche », les signataires recommandent de privilégier de « grands principes dans une approche fondée sur les risques » plutôt qu’une « conformité rigide » qui, évidemment, étoufferait l’innovation.
Un avis partagé par Stéphane Roder, CEO d'AI Builders, pour qui « la France est la première victime de l'AI Act ». « L'AI Act est bâti sur des à priori de dangerosité, de risque de l'IA. La plupart du temps sans fondements qui obligent les sociétés fournisseurs et utilisatrices à se conformer à des règles totalement inadaptées. Les fournisseurs français et européens n'auront pas d'autres choix que de quitter le sol européen pour avoir la possibilité ne serait-ce que de survivre, tellement la mise en conformité va grever leurs investissements ».