Une centaine de salariés a répondu à l’appel à la grève d’une visio-conférence, entre 9h et 12h, pour protester contre un nouveau Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) décidé en novembre 2020 par le géant historique de l'informatique. Plusieurs syndicats s’inquiètent des conséquences sociales de ce plan.
Plus d’une centaine de salariés d’IBM se sont déclarés en grève, vendredi 16 avril 2021, en ne participant pas à une visio-conférence que l’entreprise organisait avec le comité social et économique central (CSE) pour tenter de trouver un terrain d’entente sur le plan de sauvegarde de l’emploi décidé par IBM en novembre dernier. Beaucoup se sont retrouvés sur Zoom et Twitch lors d'une contre-réunion organisée par la CGT.
Depuis plusieurs mois, l’intersyndicale proteste contre un plan de suppression d’emplois de 1251 postes ainsi que le transfert de 1300 postes vers une nouvelle société, appelée Kyndryl. Ces suppressions représenteraient 50 % du total des effectifs d’IBM France, pointe du doigt la CGT IBM France dans un communiqué de presse du 14 avril.
« En 20 ans de carrière chez IBM, je n’ai jamais vu ça », a confié Serge Kerloch, délégué syndical chez IBM France auprès de L’Informaticien et pour qui la télégrève a permis de « briser la glace » et de dénoncer une direction « rigide, autoritaire et intolérante ». Face au succès de cette grève digitale, Serge Kerloch envisage de la pérenniser et de l’ajouter en complément des prochaines manifestations physiques de la CGT.
Flou sur Kyndryl
La CGC et la CGT plaident pour une requalification des suppressions de postes en départ à la retraite anticipée. Quant à Kyndryl, le manque de visibilité sur la pertinence du modèle économique de l’entreprise inquiète et fait craindre à la CGT une manœuvre d’IBM pour avoir recours à des « licenciements déguisés ou par procuration », avance Serge Kerloch.
Car IBM aurait pour ambition de céder à Kyndryl une activité d’infogérance. Aucune garantie sur les logiciels, les brevets d’utilisation ou sur les coûts d’achat des logiciels n’ont été apportés après des demandes répétés, a indiqué Frank Setruk, délégué syndical central CFE-CGC à L’Informaticien.
« Suivant le niveau des prix des logiciels, Kyndryl ne pourra pas tenir. Et tous les clients vont partir », explique Frank Setruk pour lequel la viabilité économique de l'entreprise paraît impossible.
Désordre social
Pour l’heure, la Direction régionale interdépartementale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) aurait constaté plusieurs éléments rendant impossible la non-homologation du PSE, selon Frank Setruk. Serge Kerloch préfère se fixer sur un autre calendrier, celui du 7 mai, date officielle à laquelle le ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion tranchera.
En attendant, Serge Kerloch s’inquiète. Le ministère de l’Intérieur aussi a tenu à l’appeler pour lui faire part de son inquiétude face à ce « désordre social ».
« Quand on reçoit sa lettre [de licenciement], je peux vous dire que cela fait un trou au ventre. » Il sait de quoi il parle. Il a été licencié le 15 décembre 2016, à l’issue d’un précédent PSE de l’entreprise. Le lendemain, l’un des deux tribunaux administratifs de Paris annulait le plan de sauvegarde de l’emploi, confirmé ensuite en appel auprès du Tribunal de Versailles, le 9 mai 2017. « Je n’ai pas dormi de la nuit. »
Serge Kerloch a encore en mémoire le décès d’un employé d’IBM en 2008, mort d’une crise cardiaque dans la nuit du 2 au 3 janvier. « Je ne sais pas comment j’ai fait pour tenir 20 ans. »