Un avenir radieux s'annonce pour l’automatisation par le DevOps. Je modérerai cet enthousiasme devant les difficultés à venir dans la mise en œuvre de DevOps. Rien que l’ajout de la sécurité dans le cycle de développement va obérer des chiffres prometteurs.
Les colonnes des gazettes informatiques ou de management en sont remplies ! Le DevOps est le nouveau Graal des services informatiques permettant enfin, après des décennies, d’aligner les emplois du temps des services métier et de l’informatique. Grâce à cette méthode, pas de versions à date fixe mais enfin des applications qui suivent le rythme des besoins du marketing, des ventes, du service RH… Bref, le bonheur permanent grâce à l’intégration et au déploiement continu des applications pour soutenir l’activité de l’entreprise.
Première mise au point, cette magnifique envolée ne concerne que les nouvelles applications. Les anciennes, les « vilaines » applications dites « Legacy » dans le nouveau novlangue, restent cantonnées au surannée plan en V, pour leurs développement et mises à jour. Bien sûr elles vont vite être rattrapée par le DevOps et vont, elles aussi, se soumettre à ce rythme en continu pour avoir un avenir dans le Cloud. Là surgit le premier ajout d’importance au DevOps, le Sec ! Car qui dit Cloud, dit données qui se baladent vers le Cloud privé – ou non. Il n’en reste pas moins que les données bougent et, si c’est sur un Cloud public, Horreur !, Malheur !, tout doit être sécurisé. Donc, dans les sprints effrénés, les développeurs doivent inclure la sécurité. On sent déjà que la course devient moins facile et plus lente. En effet, comment, en plus des tests habituels, ajouter le scan de vulnérabilité, la révision du code, la montée en charge et autres éléments constitutifs de la sécurité.
Vérifier la conformité en continu
Qui dit sécurité dit aussi respect de la législation et des règles de conformité. Et là arrive le deuxième bloc ; le légal ! Donc, comment l’application et ses différentes versions maintiennent par exemple le respect sur les données personnelles, la conformité aux différentes règles qui deviennent toujours plus nombreuses. Car, dans un déploiement et des développements continus il ne s’agit pas de voir si la première version est compatible avec le cadre légal ou réglementaire mais à chaque version il convient de vérifier la chose. Intéressant de voir si les services juridiques des entreprises vont regarder si les applications ou si les personnes en charge de la conformité vont avoir leur mot à dire dans le DevSecOps ! Le rythme de l’analyse de tout cela n’est pas forcément compatible avec le rythme des sprints. Allons-nous voir de magnifiques applications être bloquées parce que ne respectant pas le futur RGPD sur certains points ?
Dernier élément, et non le moindre, le coût de tout cela et la facture prévisionnelle dans le Cloud. Si l’agilité, la flexibilité apportée par le Cloud, sont les éléments les plus recherchés par les entreprises, il convient de voir si tout cela est économiquement rentable. Certains, à la vue des premières factures sur le Cloud public, ont évité de peu de s’étrangler. On voit poindre le nouvel acronyme de FinOps, en gros un contrôleur de gestion mâtiné d’acheteur pour comprendre et choisir le Cloud idoine pour poster la super application qui sera donc développée en DevLegFinSecOps ! Sans vouloir présumer de ce qui adviendra, il semble cependant que l’addition de couches n’aide pas forcément à l’agilité et encore moins à la rapidité et à la flexibilité. En l’état actuel, les entreprises ont déjà du mal à mettre réellement en place le DevOps sur l’ensemble de leur périmètre et n’ont pas encore ajouté le FinLegSec !
L’organisation et la coordination de l’ensemble est une autre question à laquelle les entreprises devront un jour ou l’autre répondre pour arriver aux buts affichés du simple DevOps. Elles devraient s’y mettre rapidement puisque 70 % des DSI vont « conforter leurs développements agiles, en privilégiant le Design Thinking et l’approche DevOps. Cette dernière fusionnant le développement et l’exploitation de logiciels. En 2019, 60 % des DSI finaliseraient la réorganisation de l’infrastructure et des applications utilisées par leur entreprise. Et ce en privilégiant le Cloud, les technologies mobiles et la dynamique DevOps », selon un article paru sur le site de Silicon.fr citant des analyses du cabinet IDC. Toujours selon la même source, 40 % vont adopter de nouveaux modèles de gouvernance numérique pour accélérer l’innovation et la vitesse des déploiements. Et imposer leur vision auprès des comités de direction. Comme dit l’adage, l’espoir fait vivre.
D’une version à l’autre, changer de Cloud ?
Pour bien comprendre le phénomène, nous pouvons regarder ce que font les bons élèves de la classe DevOps. Amazon assure en moyenne chaque seconde une livraison. Etsy, une plate-forme d’e-commerce, déploie 50 modifications par jour. Netflix réalise des milliers de déploiements quotidiens et CocaCola a accéléré la livraison de 50 % pour ses projets. Ces chiffres s’entendent sans tenir compte de la sécurité, de l’analyse des coûts de la mise en œuvre dans le Cloud ni sur les aspects légaux des applications mises en œuvre. Tous prévoient donc un avenir radieux à l’automatisation par le DevOps. Je modérerai cet enthousiasme devant les difficultés à venir dans la mise en œuvre de DevOps. Rien que l’ajout de la sécurité dans le cycle de développement va obérer ces chiffres si prometteurs.
Le DevOps n’est pas seulement un moyen d’automatisation mais il s’agit d’un ensemble de bonnes pratiques ayant pour but de livrer des logiciels en production de façon rapide, sûre et mesurable.
Si vous devez y ajouter la sécurité mais aussi le contrôle de légalité et le coût du déploiement dans le Cloud, je ne suis pas sûr que l’élément « rapide » puisse être atteint. Cela sera certainement mesurable et plus sûr, mais un élément important du DevOps sera perdu. Ou alors, il faudra faire sans que cela soit sûr ou rentable ou conforme aux règles légales. C’est sans compter que la justification du DevOps est aussi de s’adapter au contexte changeant de l’entreprise. Mais le contexte légal et la guerre des prix dans le Cloud vont faire que les entreprises d’une version à l’autre vont changer de Cloud. De nombreux outils comme C3DNA, Cloudendure, Elastifile, VMware permettent aujourd’hui de migrer sans trop de difficulté d’un Cloud à l’autre. L’adhérence par le poids des données dans le Cloud ne sera pas suffisant devant les sommes en jeux, d’où le besoin du FinOps qui se rajoutera au DevSecOps. Et finalement tout cela ne sera qu’affaire de contrat, et là, votre service juridique entrera dans la danse. Bienvenue dans le DevFinLegSecOps, mais l’agilité ne sera certainement plus un élément de choix ! ❍
Article publié dans le n°163 de L'Informaticien.