Bruxelles dessine les grandes lignes de sa future réforme fiscale. Mais ce n’est pour l’heure qu’une ébauche : il faudra sans doute des mois, voire des années, pour aboutir à un texte prêt à application. Pour faire patienter certains Etats qui trépignent, la Commission propose également une mesure provisoire.
La Commission européenne a élaboré deux propositions législatives qui, selon le Commissaire aux Finances Pierre Moscivici, consiste en « une nouvelle norme juridique ainsi qu'une taxe provisoire pour les activités numériques ». La première, en effet, est une réforme de la fiscalité à l’échelle européenne, qui permettra à un Etat de taxer les bénéfices générés sur son territoire pour une entreprise multinationale, quand bien même elle n’est pas présente physiquement dans le pays.
Selon les termes de la proposition de la commission, seront considérées comme ayant une « présence numérique » dans un Etat une entreprise qui y réalise « un seuil de 7 millions d'euros de recettes annuelles » ou qui y « compte plus de 100 000 utilisateurs au cours d’une année fiscale » ou qui y a conclu « plus de 3 000 contrats commerciaux pour des services numériques entre l'entreprise et les utilisateurs professionnels au cours d’une année fiscale ». Les « ou » sont importants puisque remplir un seul de ces trois critères suffit à être imposable.
La fin du dumping
Ces nouvelles règles doivent in fine « assurer un lien réel entre les secteurs où les profits numériques sont réalisés et où ils sont imposés ». Elles modifieront en outre la façon dont les bénéfices d’une société sont répartis entre les Etats membres, « par exemple, en fonction de l'endroit où l'utilisateur est basé au moment de la consommation ». En d’autres termes, ces mesures doivent mettre fin à la facturation des services dans les Etats ayant la fiscalité la plus avantageuse afin de contourner la fiscalité moins clémente des Etats où les services sont effectivement consommés.
Mais Rome ne s’est pas construite en un jour et il y a peu de chances qu’une réforme fiscale européenne soit mise en place rapidement. La Commission a donc planché sur une mesure « provisoire ». Celle-ci vise à répondre aux Etats-membres qui, pour certains d’entre eux, envisagent de taxer les GAFAM (et d’autres) sans attendre un cadre européen harmonisé. Pour les plus pressés, il est donc proposé une taxation du chiffre d’affaires « de certaines activités numériques échappant entièrement au cadre fiscal actuel ».
En attendant
Plus concrètement, il s’agit de ferrer les gros poissons, avec un chiffre d'affaires mondial annuel d’au moins 750 millions d'euros et de 50 millions d'euros dans l'UE. Un Etat membre pourra par exemple décider de taxer à 3% une entreprise dont les utilisateurs sont situés sur le sol national. Les activités couvertes sont celles où les utilisateurs jouent un rôle majeur dans la création de valeur et qui sont les plus difficiles à capter avec les règles fiscales actuelles.
Sont concernées la vente d’espace publicitaire en ligne, la fonction d’intermédiaire entre des utilisateurs vendant entre eux des biens et des services ou encore la vente de données utilisateurs. Cette mesure « d’interim » qui veut laisser une marge de manœuvre aux Etats, devra s’accompagner dans son application de « mécanismes intégrés pour atténuer la possibilité d'une double imposition » et prendra fin lorsque la réforme fiscale européenne sera mise en place.