Les outils collaboratifs ont le vent en poupe et l’une des raisons de leur succès est l’intégration en leur sein de solutions tierces, dont bon nombre de services fréquemment rencontrés dans les entreprises, mais aussi des bots développés en interne.
Il ne vous aura certainement pas échappé que, à l’occasion de conférences ou de communiqués, les éditeurs de plates-formes collaboratives énumèrent les « intégrations ». C’est à qui aura intégré le plus de services tiers, de Trello à SurveyMonkey en passant par Uber, Zendesk ou encore Salesforce. Et c’est sans compter les nombreuses intégrations « maison », notamment des bots1. Ce n’est pas non plus un mystère que le lancement de la fonctionnalité Actions et le rachat de Missions (automatisation de routines) par Slack vont dans ce sens.
Quant à Microsoft, l’intégration de Teams à l’écosystème Office 365 parle d’elle-même. C’est à croire que ces éditeurs veulent faire de leurs plates-formes le front-end de l’écosystème des solutions utilisées dans les entreprises. Si l’on en croit les chiffres communiqués par ces éditeurs, lesdites entreprises seraient séduites par ces solutions.
En mai dernier, Facebook Workplace revendiquait 30 000 entreprises utilisatrices. Teams de Microsoft, qui a lancé une version gratuite à la mi-juillet, en dénombrait 200 000 en mars. Slack, pour sa part, recense 8 millions d’utilisateurs quotidiens actifs et 70 000 équipes payant un abonnement. « Ce qui nous a poussé à aller sur Slack, c’est sa popularité auprès des développeurs, notamment pour des questions techniques comme la possibilité d’y copier du code et l’aspect vraiment collaboratif des channels », motive Frédéric de Ascencao, IT Corporate Manager chez Deezer.
La Ville de Versailles utilise quant à elle Teams, elle en est d’ailleurs un des clients de référence en France. « Lors du déploiement d’Office 365 à tous les utilisateurs au sein de la collectivité, en octobre 2016, nous avons pu constater qu’il manquait un outil transverse, une interface unique et collaborative où les utilisateurs pourraient échanger en mode projet, en ayant accès directement à tous les outils Office 365 », nous explique Guillaume Ors, directeur des Systèmes d’information et du numérique (DSIN) de la Ville de Versailles et de la Communauté d’agglomération Versailles Grand-Parc. Si Yammer a été dans un premier temps envisagé, le service n’a finalement pas paru adapté aux usages prévus par la collectivité : « Lorsque nous avons découvert l’existence de Teams, nous avons immédiatement présenté cet outil à la direction générale, qui l’a validé avec grande rapidité », ajoute Guillaume Ors
Tous les outils en un seul lieu
Quid des services intégrés ? À Versailles, les intégrations dépendent de la direction métier utilisatrice. Sont principalement utilisés, OneNote et Wiki, ainsi que, dans une moindre mesure, Trello. Un chatbot a également été développé, mais n’ayant pas donné satisfaction, il devrait être retravaillé dans les mois qui viennent. Du côté de Deezer, on emploie Drive, Jira et Zendesk pour avoir directement accès aux tickets dans Slack, Trello, divers bots maison pour l’envoi automatisé de messages et de reminders selon des variables définies par les différentes équipes et accessoirement Giphy. Si la plate-forme a mis en place des routines automatisées en donnant les droits aux équipes de “ dev ”, précise Guillaume Ors, la collectivité n’a pas fait ce choix. Néanmoins, elle a fait développer « un moteur qui synchronise toutes les 24 heures notre SIRH avec l’Active Directory puis avec Office 365, et ainsi Teams ».
À entendre Frédéric de Ascencao évoquer Giphy, on pourrait prendre peur et considérer ces plates-formes collaboratives comme des gadgets chronophages diminuant la productivité des salariés. Mais chez Deezer, comme à Versailles, on s’accorde pour soutenir qu’au contraire, ces outils représentent un gain de temps. Et dans les deux cas, on parle d’une plus grande fluidité. « Slack permet d’avoir un écosystème et de passer d’une application à une autre simplement dès lors que l’on a les SSO [Single Sign On] qui vont bien », assure le responsable IT de Deezer. « Cela permet de réunir tous les outils des utilisateurs en un seul et unique espace de travail. C’est simple, performant et cela fait gagner beaucoup de temps », renchérit Guillaume Ors. D’autant que, dans le cas de Slack, il est possible de créer des channels en mode projet auxquels associer des prestataires utilisant la version gratuite de l’application, facilitant un peu plus la collaboration. Avec la sortie de sa mouture gratuite, Teams ne devrait pas être en reste.
Shadow IT
Il ne faut cependant pas considérer les plates-formes collaboratives comme des outils miracles qui règleraient tous les problèmes de l’entreprise avec ses différentes solutions logicielles. Il est bien ici question de « front », et non de back-end. Les services tiers intégrés devront toujours être gérés distinctement. « Nous devons acheter et renouveler les licences, les administrer directement du site de l’éditeur. À ce jour, nous n’avons pas d’interface unique où nous pourrions renouveler les licences de tous les modules que nous avons activés au sein de nos équipes Teams. Ainsi, Teams ne complexifie pas la gestion de ces dernières, mais ne les facilite pas non plus », souligne Guillaume Ors.
Autre souci, qui n’est pas tant lié aux Workplaces et consorts mais à une tendance actuelle : le Shadow IT. « La facilité avec laquelle les applications tierces peuvent être intégrées dans Teams inciter certains utilisateurs à demander à la DSIN d’activer un add-on dans Teams d’une application que la direction métier aurait acquis de manière totalement autonome », explique le DSI de Versailles. « La conséquence serait de devoir valider et intégrer a posteriori une application qui n’aurait pas été “ co-choisie ” par les métiers et la DSIN, et donc qui ne répondrait éventuellement pas à toutes les exigences internes en matière de politique numérique de la collectivité. » Sentiment partagé par Frédéric de Ascencao. « Si on réfléchit urbanisation du système d’information, il faut penser sécurisation. Les administrateurs doivent étudier l’application, voir si elle est “ compliant ” par rapport aux bonnes pratiques de l’entreprise. » En d’autres termes, si les outils collaboratifs et l’intégration d’applications tierces au sein d’un même écosystème représentent pour la majorité des collaborateurs un gain de temps et d’efficacité, ils peuvent également constituer un surcroît de travail pour d’autres. ❍