Faut-il avoir peur du grand méchant Huawei ? L'équipementier chinois veut rassurer lors du Mobile World Congress et sortir les questions d'infrastructures et de sécurité des considérations politiques.
De gauche à droite, Minggang Zhang, Sébastien Gas et Weiliang Shi.
Hier en fin de journée, un petit panel de journalistes francophones était convié à une session de questions-réponses avec la direction de Huawei France. Le géant chinois, très présent sur le MWC avec ses trois stands, est en pleine opération séduction, alors que les Etats-Unis poursuivent l'entreprise en justice et qu'à travers le monde gouvernements et opérateurs expriment leur méfiance à son égard. Weiliang Shi, le directeur général de Huawei France, le souligne à plusieurs reprises : le géant chinois est transparent.
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si est invité à ce briefing Sébastien Gas, directeur de l'innovation chez l'ESN britannique SCC et ancien directeur général adjoint de Flow Technologies, entreprises de services française mais aussi opérateur télécom.
Pas une coïncidence non plus l'annonce de la signature mercredi prochain d'un nouveau contrat avec Monaco Telecom. L'opérateur monégasque, détenu par Xavier Niel, s'équipe déjà chez Huawei, qui a couvert le Rocher de ses antennes 5G aux termes d'un autre contrat signé en décembre. Monaco Telecom a tant confiance en Huawei qu'il l'a donc rappelé à ses côtés afin de « créer la plateforme » smart city de la principauté.
16 contrats en Europe
Car si Huawei fait face à la méfiance des autorités ici et là, il rappelle qu'il ne faut pas amalgamer Etats et opérateurs. Si aujourd'hui deux pays ont interdit Huawei de réseaux 5G sur leur sol, les Etats-Unis et l'Australie (la Nouvelle-Zélande ayant pour sa part rétropédalé), l'équipementier a d'ores et déjà signé 30 contrats commerciaux dans le monde entier, dont 16 en Europe, indique son directeur France. « Huawei a livré 40 000 sites » ajoute-t-il, dont un quart pour la seule Corée du Sud, ainsi qu'en Italie, en Allemagne ou encore en Espagne.En outre, les gouvernements se méfient peut-être et certains opérateurs freinent des quatre fers, pourtant Weiliang Shi nous assure que « les clients sont confiants », tant et si bien qu'aucun contrat en cours « n'a été rompu ». Pourtant le directeur général de Huawei France reconnaît que l'image de l'entreprise a été écorné. D'où des efforts de transparence et de communication accrus, son très discret fondateur allant même jusqu'à donner deux interviews en l'espace d'un mois !
Au nom de la loi
Et cela commence par rassurer sur la législation chinoise. Celle de 2015 par exemple permet aux services du renseignement chinois d'exiger des entreprises sur son sol qu'elles leur fournissent des « données sensibles » sur leurs utilisateurs, clés de chiffrement des communication comprise. Mais seulement dans le cas de la lutte contre le terrorisme et la criminalité, indique Weiliang Shi. Minggang Zhang, le directeur général adjoint, précise que jamais à ce jour le gouvernement chinois n'a « sollicité » Huawei. « Et si nous sommes sollicités, nous refuserons ».Un peu plus tôt, dans les allées du salon, un cadre d'un opérateur télécom étranger nous rappelait que de nombreux autres Etats sont dotés de législations similaires. Dans le cas des Etats-Unis, « les services de renseignement ne s'embarrassent pas de ces considérations » glisse-t-il, évoquant notamment les backdoors exploitées par la NSA dans le matériel d'un « célèbre » équipementier américain, matériel que l'on « trouve y compris dans le cœur de réseau de certains collègues, y compris en France ». De son côté, Weiliang Shi insiste : « Huawei est une société internationale, nous appliquons la loi des pays dans lequel nous nous trouvons. Aujourd'hui si Pékin nous demande de transférer des données de la France vers la Chine, c'est une violation de la loi, nous ne pouvons pas le faire ».
France : attention aux retards
Dans le cas de la France, c'est l'amendement à la loi PACTE qui fait parler de lui. Le texte prévoyait que le Premier Ministre autorise ou non « l’exploitation sur le territoire national des appareils permettant de connecter les équipements de clients au réseau radioélectrique mobile, qui par leurs fonctions présentent un risque pour l’intégrité, la sécurité et la continuité de l’exploitation du réseau ». Avec la possibilité de rejeter une demande d'autorisation si Matignon estime qu'il « existe un risque sérieux d’atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale ». Si l'amendement a été rejeté par les sénateurs, qui déploraient l'absence d'étude d'impact, il a fait son retour hier par le biais d'un projet de loi.Weiliang Shi déplore un « manque de transparence » introduit par cet amendement, puisque ce sera à l'exécutif, et non aux opérateurs, de décider de « la construction de l'infra dans tel département, telle région. Les opérateurs n'ont plus autant d'autonomie pour choisir qui les fournit ». Il pointe également du doigt les risques d'une baisse de compétitivité dans le cas où le nombre de fournisseurs se trouverait limité. Et pire encore de retard dans le déploiement de la 5G, Matignon ayant deux mois pour valider ou non une demande, l'examen « administratif » deviendrait cause « d'incertitude » pour les opérateurs. Minggang Zhang explique comprendre les appréhensions mais, à ses yeux, « sur ce sujet de sécurité, la vraie solution est technique, il faut instaurer un cahier des charges techniques pour adresser ces sujets de sécurité ».