C’est au nom de la loi sur la manipulation de l’information, voulue par l’exécutif, que Twitter bloque une campagne publicitaire du gouvernement. L’exécutif s’émeut, oubliant au passage que le texte législatif, par certaines définitions laissées très larges, légitime le blocage de ses propres campagnes.
C’est l’arroseur arrosé. Le gouvernement français voulait faire la promotion de l’inscription au vote avant les élections européennes, Twitter en a décidé autrement… au nom de la loi française anti-fake news. Le gazouilleur bloque en effet une campagne publicitaire du ministère de l’Intérieur, à en croire l’AFP. Ce qui n’est pas sans provoquer une certaine grogne de Matignon à Beauvau en passant par Bercy.
« Le vote est sacré. Il est inacceptable qu’une campagne du gouvernement pour l’inscription sur les listes électorales soit bloquée par une plateforme. Je recevrai les dirigeants de @twitter europe dans les heures à venir » tweete ainsi Cedric O, le tout nouveau secrétaire d’Etat au Numérique. Pourtant, Twitter ne fait rien d’autre que de s’appuyer sur la loi adoptée l’an dernier sur la manipulation de l’information.
Laquelle exige notamment d’une plateforme qu’elle fournisse à l’internaute « une information loyale, claire et transparente » quant à qui finance « la promotion de contenus d'information se rattachant à un débat d'intérêt général » (la formulation est importante), pour quel montant et sur l’utilisation de ses données dans le cadre de cette campagne. Le tout dans un « registre mis à la disposition du public par voie électronique, dans un format ouvert, et régulièrement mis à jour ».
Une loi si bien écrite
« Twitter ne sait pas faire ça aujourd'hui, et a donc décidé d'avoir une politique complètement jusqu'au-boutiste qui est de couper toute campagne dite de nature politique » déplore le SIG, le service d’information du gouvernement. Ce qui est sans doute exact : la loi est particulièrement large puisqu’elle vise les « contenus d'information se rattachant à un débat d'intérêt général ». Ce qui, en termes de modération, oblige la plateforme à estimer le caractère et le degré de « débat d'intérêt général » d’une campagne. On comprend effectivement que Twitter, qui « ne sait pas faire ça aujourd'hui », n’a guère envie de s’embarrasser de ces considérations.
En conséquence, si la loi n’a pas encore eu droit à ses décrets d’application, l’oiseau bleu a pris les devants en modifiant les conditions relatives à la publicité… en écrivant noir sur blanc que tout contenu publicitaire à but politique est banni en France, aussi bien les campagnes politiques que les communications de type « issue advocacy », de portée plus générale. Qui sont susceptibles d’englober notamment une « campagne d'incitation à l'inscription au vote ». Twitter respecte donc ses propres CGU.