C’est par interviews interposées dans Vosges Matin que l’ex-CEO de Xilopix, éditeur du moteur de recherche Xaphir, et le patron de Qwant s’invectivent. Le premier accuse le second d’avoir tué et Xilopix et Xaphir, quand le second rétorque que le moteur de recherche était une coquille vide.
Vous rappelez-vous de Xaphir ? En mai 2017, ce moteur de recherche français se dévoilait et affichait de grandes ambitions, parmi lesquelles se placer dans le Top 5 mondial des moteurs de recherche. Une tâche ardue, mais Xaphir se prévalait de ses 10 millions d’euros investis, de ses huit ans de R&D et d’une « expérience utilisateur inédite », selon ses fondateurs Eric Mathieu (CEO) et Cyril March (COO & CTO).
Las, cinq mois plus tard, l’entreprise Xilopix, son éditeur, était placé en redressement judiciaire. Mais le 10 novembre, l’espoir renaissait : le tribunal de commerce d’Epinal validait le plan de reprise de la société proposé par Qwant. Mais si le moteur de recherche européen garantissait la sauvegarde des emplois sur le site d’Epinal, il était laconique quant à l’avenir de Xaphir, dont on entendit plus parler depuis.
Mais voilà que Vosges Matin nous en donne quelques nouvelles. Et c’est un peu règlement de comptes à Epinal. Dans une interview au quotidien vosgien, Eric Mathieu ne mâche pas ses mots. L’échec de Xaphir, il le doit au désintérêt des pouvoirs publics, trop occupés à soutenir… Qwant. « Les organismes publics comme la Caisse des Dépôts ou la Banque européenne d’investissement ont misé sur Qwant. Cela a refroidi nos associés. Cela a tué Xilopix » explique-t-il.
Qwant, sauveur ou tueur de Xaphir
Mais l’histoire ne s’arrête pas en si bon chemin. Selon l’ex-CEO, Qwant a racheté Xilopix pour 200 000 euros, quand Eric Mathieu assure que la société était valorisée 10 millions d’euros, et qu’il avait déjà refusé de vendre au Chinois Alibaba. En outre, si Qwant a repris le site et l’effectif, « des 35 personnes de Xilopix, il ne reste plus que deux ingénieurs » indique le cofondateur.
Lui et son associé, Cyril March, auraient été « éjectés du jour en lendemain après avoir travaillé cinq mois sans contrat et sans salaire ». Une procédure aurait été engagée devant les prud’hommes de Nancy avec un jugement attendu à la rentrée. « Il a manqué six mois à Xilopix pour être opérationnel. Si les pouvoirs publics nous avaient aidés, la France aurait un vrai moteur de recherche actuellement. Pas un moteur basé sur une technologie américaine » glisse Eric Mathieu.
Et c’est toujours dans Vosges Matin qu’Eric Leandri, le patron de Qwant, répond par interview interposée. Et sans surprise, il n’est pas d’accord et souligne avoir déposé un plan de reprise afin de « sauver des emplois et aussi permettre aux collectivités locales de ne pas perdre tout l’argent déjà investi ». 180 000 euros ont ainsi été offerts par Qwant pour reprendre Xilopix, auxquels s’ajoutent 40 000 euros pour la reprise du personnel et le paiement de congés payés.
Mais où sont donc passés les brevets de Xaphir ?
Et lui non plus ne mâche pas ses mots concernant Xaphir. « Le moteur de recherches Xaphir n’était pas actif à la mi-2017. Il ne générait aucun chiffre d’affaires, contrairement à Qwant » assène-t-il. Et là, on a du mal à comprendre ce qui suit. Si la majeure partie de la somme servait à racheter les technologies et brevets de Xilopix, « quand on a racheté Xilopix, on n’a pas eu accès à la technologie » déclare Eric Léandri. Où sont donc passés les brevets ?
« Et le travail effectué jusque-là par Xilopix était peu développé. En 9 ans, la société n’avait indexé que 168 millions de pages web. Ce que Qwant faisait en un jour » continue le patron du moteur de recherche. Et pour assurer qu’il n’utilise pas les technologies de Xilopix dans Qwant (mais n’y a-t-il pas eu accès ?), « nous allons demander à l’Institut national de recherche dédié aux sciences de numérique (Inria) de tester la technologie de Xilopix. On pourra ainsi être fixés définitivement sur sa valeur. Il n’y a pas de technologie Xilopix dans Qwant car nous n’avons rien à y gagner ». Bon, avouons que la situation est difficile à suivre et qu’on ignore encore qui a accès ou non aux technologies de Xilopix.
Quant aux salariés de la société vosgienne, Eric Leandri explique qu’à la reprise, ils étaient 25 et non 35. 10 d’entre eux travaillent toujours chez Qwant, « les autres ont préféré partir. C’était leur choix. Je n’ai licencié personne » ajoute-t-il, évoquant une atmosphère particulière chez Xilopix. « Des salariés ont été invités à souscrire des actions de la société Xilopix. Certains ont investi plusieurs milliers d’euros. Et même, étonnamment, quelques jours avant le dépôt de bilan. Ils ont perdu tout leur argent et cela a forcément créé des tensions ». Plus de détails sans doute en septembre.