Son rapport déposé en fin d'année dernière validé par le gouvernement, Michel Van Den Berghe enclenche la deuxième phase du projet de campus dédié à la cybersécurité. Après avoir démontré la faisabilité du projet, il est temps d'en poser les première briques concrètes.
Mandaté en juillet par le Premier ministre, Michel Van Der Berghe a tenu les délais en remettant « avant la fin de l'année 2019 » son rapport sur la faisabilité d'un projet de « Campus cyber ». En amont de la remise des prix des startups FIC, le secrétaire d'État au numérique est revenu sur ce sujet et en a profité pour remercier le patron d'Orange Cyberdéfense. « Ce Campus cyber vient incarner à la fois une ambition du gouvernement de faire de la cyber un élément essentiel de notre politique économique et diplomatique et une méthode : nous avons des entreprises très puissantes mais nous butons, dans la compétition internationale, sur la manière de faire coopérer ces entreprises. L'exemple emblématique de cette coopération, c'est le Campus cyber » a ainsi énoncé sur scène Cédric O.
Un peu plus tard, en conférence de presse, Guillaume Poupard, le patron de l'Anssi nous répondra que le rapport a fait l'objet d'une réunion à Matignon vendredi dernier, les ministres en validant le contenu « qui répond à la demande du Premier ministre ». « Ce qui démarre maintenant, c'est l'opérationnalisation de ce campus » ajoute l'homme fort de la cybersécurité étatique. Cette Phase 2, toujours confiée au patron d'Orange Cyberdéfense, procèdera sur les deux prochains mois à recenser les organisations participatrices et les effectifs qu'elles veulent positionner dans ce lieu, de sorte à pouvoir enfin déterminer l'emplacement du campus.
Car les parties prenantes du projet veulent avancer très vite. Il ne s'agit pas « de créer en 2027, quand le site sera mieux desservi, un grand campus de 120000 m² à Saclay » répète Michel Van Den Berghe. Lui vise 10000 ou 15000 m², à Paris même ou en proche banlieue, « plutôt dans l'ouest », accessible en métro, accueillant dans un premier temps entre 500 et 1000 personnes, plus horizontal qu'en hauteur, avec de la verdure et ouvert dès le premier trimestre 2021. Un délai court, si l'on compte 10 mois de travaux pour « aménager, câbler, cloisonner, sécuriser » les lieux. Ce qui laisse jusqu'à avril au porteur du projet pour énumérer les forces en présence, trouver les lieux appropriés et « présenter trois ou quatre scénario à la communauté ».
Une quarantaine de participants
La tâche, si elle n'est pas impossible, s'annonce ardue. Il faut en effet déterminer qui intègrera le Campus cyber à l'ouverture. Si l'Anssi a annoncé qu'elle y installerait entre 30 et 100 personnes, et les quatre grands industriels, Thales, Atos, OCD et Capgemini, entre 80 et 100 personnes, il se joue de l'aveu de Guillaume Poupard une « partie de poker menteur » afin de décider quels profils iront au campus, chacun attendant qu'un autre dégaine le premier. Se pose également la question de la manière dont les équipes sur place travailleront avec celles des autres implantations de l'agence.
Et c'est sans compter sur la quarantaine d'autres acteurs qui ont exprimé le souhait de faire partie de l'aventure. Des grand groupes tels que Schneider, Airbus, Sopra Steria, des structures plus modestes, Gatewatcher, YesWeHack, Oodrive, Citalid, des organismes de formation à l'instar de l'Epita et, « une bonne surprise », des utilisateurs finaux tels que L'Oréal, Enedis ou la BNPP. Il ne faut surtout pas oublier le secteur public. Outre l'Anssi, du CEA à l'Education nationale, du ministère de l'Intérieur à la DGE ou encore la BPI, neuf organes de l'État entendent s'y positionner. Mais dans quelle mesure ? Avec quelles équipes ? Ces questions sont encore en peine de réponses, lesquelles seront essentielles à l'aboutissement du projet.
Combien de divisions ?
« Maintenant que la décision gouvernementale a été prise, mon travail consiste à aller voir les gens qui ont signé en leur demandant combien de personnes et quand, afin de repérer trois ou quatre bâtiments adaptés. Ces derniers jours, avant le FIC, je suis justement allé discuter de ce sujet avec les quatre grands industriels » nous explique ce matin Michel Van Den Berghe.
Il sera également nécessaire de créer la structure qui gèrera l'ensemble. Outre les problématiques des communs et des bulles de confiance, nul n'ignore que le grand problème du secteur est de trouver des experts. Ici est proposé un lieu où sera agrégée au même endroit cette rare ressource, « que des entreprises qui sont parfois en compétition se disputent » reconnaît le patron d'Orange Cyberdéfense. « Il va falloir être intelligent » afin de ne pas transformer le campus en champ de bataille, Michel Van Den Berghe suggérant en outre la rédaction d'une charte pour réguler un peu les relations entre les organisations présentes.
Une autre difficulté était l'attraction du campus pour les startups, jeunes pousses souvent confortablement installées dans des incubateurs. Difficile de les faire sortir du cocon : sur le campus, on parle d'un coût (financé à moitié par l'État) de 11000 euros de postes de travail et d'entre 350 et 400 euros du m². « Auprès des startups, il a fallu travailler sur le ROI », notamment sur l'aspect sortir du cocon et monter en puissance, par le biais notamment d'une installation aux côtés non seulement de poids lourds de la cybersécurité, mais aussi d'utilisateurs finaux. Un argument qui semble pour l'heure rencontrer un écho favorable dans le petit monde des jeunes pousses.
Campus Ikea
Enfin est venu, inévitable, le sujet de l'articulation entre le Campus cyber et les initiatives existantes, pôle de compétitivité breton en tête, marqué à la culotte par les Hauts de France où se tiennent le FIC ou encore les Pays de Loire et leur penchant pour la smart city. Hors de question d'opter ici pour une démarche jacobine qui ne manquerait pas de crisper hors de la région parisienne. Michel Van Den Berghe a abandonné la notion de satellite, il n'est pas question de hiérarchiser les différents lieux mais d'avoir sur un même niveau, un réseau de campus, spécialisés ou non.
Si le Campus cyber est une démarche qui s'imposait à Paris, « il ne s'agit pas de dire « c'est nous qui savons, nous seuls à Paris avons la bonne méthode », selon le porteur du projet, mais de présenter le cas échéant un « kit de montage » d'un campus cyber, une boîte à outils exposant les contraintes rencontrées, les coûts, les méthodes utilisées... Avec toujours pour ultime finalité, à Paris ou à Rennes comme dans un futur hypothétique cyber campus de Brive-La-Gaillarde, d'attirer les experts de la cyber du coin en un même lieu.