Avec la pandémie, les établissements d’enseignement supérieur ont dû faire appel plus souvent aux solutions d’examens télésurveillés. Un secteur en plein essor qui a fait ses armes dans les certifications mais qui est encore mal encadré.
Le RGPD est entré en application il y a tout juste de deux ans et les données personnelles paraissent toujours aussi menacées même si d’énormes progrès ont pu être constatés dans les entreprises, surtout les plus grandes. Dernier exemple en date : les examens télésurveillés pour les étudiants de l’enseignement supérieur.
En pleine pandémie et confinement la Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGSIP) avait fort opportunément publié un document de recommandations intitulé « Evaluer et surveiller à distance » afin d’adapter les modalités de délivrance des diplômes de l’enseignement supérieur. Des solutions techniques d’origine européenne étaient inventoriées sinon recommandées : Managexam, Proctorexam, TestWe, Theia, Evalbox, SBT Human(s).
Consentement libre
Mais c’est seulement il y a quelques jours que la Cnil publiait une note de rappels et de conseils pour la surveillance en ligne. S’appuyant sur le RGPD, la commission insiste sur la nécessité d’obtenir le consentement libre de l’étudiant à être évalué de cette manière avec un choix réel sans qu’il ait à subir des conséquences négatives en cas de refus. Par principe tous les systèmes de reconnaissance biométrique sont proscrits par le RGPD. C’est clair et net ! Enfin quand les solutions de télésurveillance d’examens incluent des algorithmes de détection de fraude les étudiants concernés ne doivent pas faire l’objet de décisions automatisées.
Au moment même de la publication de la Cnil, certains étudiants venaient d’apprendre les modalités de leurs examens de fin d’année. A HEC une pétition recueillait rapidement 300 signatures sur un millier d’étudiants environ. En cause : Zoom associé à Proctorio, une solution de télésurveillance américaine non répertoriée par la DGSIP particulièrement riche en options de surveillance via une simple extension à Google Chrome (voir la liste impressionnante des options). Les examens devaient démarrer lundi 25 mai, ils ont été repoussés d’une semaine, la direction de l’école admettant ne pas avoir respecté le délai de deux semaines de prévenance d’une possible session d’examens télésurveillée.
Résistance salutaire
Une même fronde étudiante avait démarré quelques semaines auparavant à l’université Rennes 1. Là c’était la solution Managexam qui était en cause mais pour un petit nombre d’épreuves et d’étudiants seulement.
L’essayiste Gaspard Koenig consacrait récemment une chronique des Echos au cas HEC en ajoutant une note positive à la fronde étudiante : « Rejeter Proctorio, c'est refuser d'internaliser la norme : une résistance salutaire face à la police prédictive ou à la reconnaissance faciale. Quand ils lanceront à leur tour des plateformes, gageons que ces jeunes trublions y réfléchiront à deux fois avant de voler l'intimité de leurs utilisateurs. »