La sulfureuse société américaine est devenue l’un des membres Day 1 de l’initiative européenne, qui l’est de moins en moins quand bien même Palantir ne lésine pas sur les efforts d’explications pour justifier son adhésion à Gaia-X.
Gaia-X semble de moins en moins Européen ! Malgré les volontés affichées par les exécutifs français et allemand de construire une infrastructure de données européenne, malgré OVH et Deutsche Telekom qui en sont le fer de lance, le projet ne manque pas d’interroger quant à la “souveraineté” dont il se veut l’étendard. Surtout avec l’adhésion de géants qui n’ont rien d’Européen, à l’instar des Américains Salesforce, Google Cloud, AWS ou Microsoft, ou des Chinois Alibaba Cloud et Huawei, confrontés sur le terrain des réseaux à l’hostilité des autorités européennes.
Autant d’entreprises accueillies à bras ouverts dont pourtant les pratiques de leurs États respectifs quant aux données des utilisateurs européens mécontentent sur le Vieux Continent. Les inquiétudes relatives au FISA ou encore au Cloud Act ont ainsi mené à l’annulation du Privacy Shield ou encore à la remise en cause de l’hébergement du HDH français sur Azure. Or une dernière annonce d’adhésion à Gaia-X a fait réagir les défenseurs de l’idée d’une souveraineté numérique européenne : celle de Palantir.
Justifications
L’entreprise américaine spécialisée dans l’analyse de données, financée par le renseignement US et ô combien controversée, indique ainsi avoir rejoint l’initiative européenne en tant que “Day 1 Member”. Et en explique les raisons dans un long post sur Medium. “Il est raisonnable de se demander pourquoi une entreprise comme Palantir Technologies, fondée dans la Silicon Valley et dont le siège social mondial est à Denver, Colorado, devrait considérer sa participation au projet comme importante, appropriée et conforme aux objectifs déclarés de promotion de la souveraineté et de la disponibilité des données en Europe” attaquent d’emblée Harkirat Singh, responsable technique de Palantir installé à Londres, et Robert Fink, ingénieur basé à Munich.
En plus de 17 ans de travail dans certains des environnements de données les plus sensibles au monde, nous avons acquis une compréhension de la manière dont des solutions technologiques complexes peuvent et doivent être entrelacées avec la gouvernance des données plus large et les contextes normatifs dans lesquels la technologie doit fonctionner. C'est précisément le point fort de notre expérience et de notre expertise, que nous espérons apporter à GAIA-X et aux écosystèmes de données européens au cours des prochaines années. C’est pourquoi nous avons décidé de rejoindre GAIA-X. PalantirL’œil de Sauron
Très bonne question, en effet. Les deux salariés de Palantir justifient cette adhésion par l’adéquation entre les défis que Gaia-X entend relever et les activités de l’entreprise : “les valeurs au cœur du projet GAIA-X sont, en effet, au cœur de notre propre mission en tant qu'entreprise : la protection des données, la sécurité des données et la souveraineté numérique des institutions que nous soutenons et des groupes qu'elles servent” écrivent Harkirat Singh et Robert Fink. “Certains peuvent à nouveau voir une contradiction entre coopération d'une part et sécurité d'autre part, entre souveraineté et disponibilité des données. La tâche pour nous, informaticiens et ingénieurs en logiciel, est de réfuter cette dichotomie. Pour nous, cette perspective est à la fois une opportunité de tirer parti de nos investissements en ingénierie à ce jour et un formidable défi pour les années à venir” concluent-ils.
Ce qui ne répond pas in fine à la dichotomie entre entreprise américaine et initiative européenne, et accessoirement entre ambitions de souveraineté et liens avec le renseignement. Surtout, outre Palantir, l’adhésion à Gaia-X de nombreuses sociétés non-européennes risque d’éloigner du projet certains clients potentiels à la recherche d’une solution véritablement européenne et non pas d’un imbroglio soumettant potentiellement leurs données à la surveillance américaine et chinoise.