AprĂšs quelques chamboulements parlementaires, le Pass sanitaire a finalement Ă©tĂ© adoptĂ© par lâAssemblĂ©e nationale. Et câest dans lâurgence absolue que la Cnil a dĂ» formuler un avis sur la question. Si le rĂ©gulateur nâest pas fondamentalement hostile au dispositif, il appelle nĂ©anmoins Ă la mise en place de nombreux garde-fous pour protĂ©ger les donnĂ©es de santĂ© et Ă©viter les discriminations.
Surprise à l'Assemblée le 11 mai dernier ! Les députés rejettent l'article 1 du projet de loi sur le déconfinement. Or cette disposition du texte concerne le Pass sanitaire, objet d'ùpres débats parmi les élus de l'Assemblée. Ici, ce sont les élus Modem qui lùchent la majorité présidentielle : par 108 voix contre 103, le premier article est rejeté. Mais dans la nuit, nouveau retournement de situation : le gouvernement modifie le texte, le Modem rentre dans le rang. 208 voix pour, 85 contre, le Pass sanitaire est adopté.
Mais les aventures du Pass sanitaire ne sont pas finies, loin de lĂ ! Car c'est au tour de la Cnil de se prononcer sur le projet. Et le gendarme des donnĂ©es personnelles n'est pas franchement enchantĂ© d'ĂȘtre consultĂ© "en extrĂȘme urgence". Il regrette "dâavoir Ă se prononcer dans un dĂ©lai si bref et postĂ©rieurement aux dĂ©bats intervenus, en premiĂšre lecture, Ă lâAssemblĂ©e nationale, le principe du passe sanitaire ayant pourtant Ă©tĂ© Ă©voquĂ© de longue date". Toujours est-il que la Cnil devait se prononcer : elle a rendu son avis au lendemain du vote Ă l'AssemblĂ©e nationale.
Des garanties nécessaires
Un avis prudent, puisque le rĂ©gulateur ne fait pas preuve d'un enthousiasme dĂ©bordant quant Ă ce projet. A ses yeux, le dispositif doit ĂȘtre strictement limitĂ© dans le temps, Ă la durĂ©e nĂ©cessaire Ă la rĂ©ponse Ă la situation sanitaire. Et si la Cnil ne peut se prononcer sur l'intĂ©rĂȘt scientifique du Pass sanitaire, elle demande nĂ©anmoins que "lâimpact du dispositif sur la situation sanitaire soit Ă©tudiĂ© et documentĂ© de maniĂšre frĂ©quente, Ă intervalle rĂ©gulier et Ă partir de donnĂ©es objectives", de sorte Ă dĂ©terminer si oui ou non ce dispositif est encore utile.
En outre, le gouvernement a précisé que le Pass sanitaire serait limité aux événements à risque et en a exclu les activités quotidiennes (commerces, restaurants, etc.) et celles ayant trait à une liberté fondamentale (culte, manifestation, etc.). Ce qui était une condition sinequanone à l'utilisation de ce dispositif, selon la Cnil. Pourtant, elle déplore les imprécisions du texte, sur les lieux concernés, le seuil de fréquentation ou encore les restrictions d'usage du Pass sanitaire.
Risques de divulgation et de discrimination
En effet, la Cnil entend que soit explicitement interdit aux âresponsables des lieux qui ne sont pas visĂ©s par le dispositifâ de conditionner leur accĂšs Ă la prĂ©sentation dudit Pass. De mĂȘme, elle appelle que soient prĂ©cisĂ©es diverses modalitĂ©s, des finalitĂ©s aux personnes autorisĂ©es, ainsi que les garanties permettant dâĂ©viter toute atteinte au respect de la vie privĂ©e et Ă la protection des donnĂ©es personnelles. Sur ce point, afin dâĂ©viter la divulgation de donnĂ©es de santĂ©, le gendarme des donnĂ©es personnelles demande au gouvernement de mettre en place un dispositif limitant lâaccĂšs Ă ces donnĂ©es. Soit, plutĂŽt que de permettre la consultation par lâorganisateur dâun festival des certificats de tests ou de vaccination, simplement fournir un code couleur indiquant si oui ou non la personne est Ă risque.
Se pose enfin la question du risque de discrimination affĂ©rant au dispositif, quâil sâagisse de lâĂ©tat de santĂ© ou du type de preuve. Un certificat de rĂ©tablissement aura-t-il la mĂȘme valeur quâun certificat de vaccination au moment dâentrer dans une salle de concert ? Câest bien lĂ tout lâenjeu du texte, selon la Cnil. Le rĂ©gulateur soutient quâil faut âinterdire toute discrimination entre les diffĂ©rents types de preuvesâ, dâoĂč probablement ce concept de code couleur unique. De mĂȘme, il âinvite le Gouvernement Ă rĂ©flĂ©chir au format et au contenu des preuves papier certifiĂ©es de sorte Ă ce quâelles prĂ©sentent les mĂȘmes garanties que leur version numĂ©rique en matiĂšre dâaccessibilitĂ© et de protection des donnĂ©es personnellesâ. Car tout ne doit pas reposer exclusivement sur lâapplication TousAntiCovid et ça, la Cnil nâa pas fini de le marteler.