Hexatrust : un franc succès pour la 3ème université d’été

29 entreprises françaises spécialisées en cybersécurité regroupées sous la bannière Hexatrust organisaient hier leur 3èmes Université d’été. Jean-Noël de Galzain, président de Wallix et d’Hexatrust, puis Guillaume Poupard, patron de l’ANSSI, ont assuré les discours d’ouverture avant plusieurs tables rondes et une intervention d’un chercheur sur la cryptographie post-quantique.

Jean-Noël de Galzain peut être satisfait ! Non seulement cette 3ème Université d’été aura connu un succès de participation, la grande salle du Pavillon Royal dans le bois de Boulogne peinant à accueillir tout le monde, mais la qualité des échanges a été saluée par l’ensemble des participants avec lesquels nous avons échangé.

Le patron de Wallix, seule société du groupement Hexatrust cotée en bourse, a ouvert les débats en insistant sur l’enjeu sociétal que représentait la cybersécurité, notamment en matière de propriété et de protection des données personnelles. Il a affirmé la nécessité future de « maîtriser le signal » afin que le contrôle de ces données soit repris par le maximum de monde et pas seulement quelques personnes. De ce point de vue, la mise en place du RGPD semble être une avancée, même si certains doutent de son efficacité.

Ensuite, M. de Galzain insiste sur l’enjeu économique. 6000 milliards d’euros vont être investis dans la transformation numérique des entreprises et la sécurité est déterminante pour qu’elle soit efficace.

250 millions réclamés à la French Tech

Il rappelle enfin quelques chiffres : un chiffre d’affaires cumulé de 150 millions d’euros pour Hexatrust dont 30% à l’export. Il interpelle également la French Tech et les 4 milliards d’investissement qui vont lui être accordés. Il déplore que la cybersécurité demeure le parent pauvre et réclame un fonds d’investissement de 250 à 300 millions d’euros pour ce domaine. Enfin, il souligne la nécessité de travailler au niveau européen, en particulier avec l’Allemagne, la Finlande et l’Estonie, laquelle assure la présidence européenne depuis le 1er juillet dernier et où se trouve notamment le siège européen de l’Otan pour la cybersécurité.

L’ANSSI se met au « en même temps »

De g. à d. : Jean-Noël de Galzain, Thierry Delville du ministère de l'intérieur et Guillaume Poupard.

Le directeur général de l’Agence Nationale pour Sécurité des Systèmes d’Information (ANSSI) lui a succédé à la tribune. Il a d’abord indiqué qu’il remettrait les conclusions des missions de l’ANSSI au Président de la République dans les prochaines semaines et s’est donc refusé à rentrer dans les détails, afin de lui réserver la primeur. Côté positif, il retient que l’agence peut être fière de ce qu’elle a construit. Négativement, il souligne que la menace avance vite et parfois de manière très visible, ce qui indique un accroissement des attaques et des menaces. « Les victimes de Wannacry n’étaient pas les moins sécurisées », précise t-il. « Nous avons vu un alignement de trous qui a rendu ces attaques possibles ». Précisons que cet « alignement de trous » est un terme aéronautique créé par le professeur anglais James Reason qui sert à expliquer comment et pourquoi un accident d’avion survient.

Les attaques vont continuer, voire s’amplifier. « De manière cynique, je dirais que cela m’arrange car cela me permet de continuer à informer et former ». M. Poupard se lance alors dans une charge violente. « Je suis inquiet et scandalisé par l’attitude de certains de nos alliés. C’est une course à l’armement. Seules les solutions offensives sont considérées et il n’y a pas de stabilité dans l’action ». Aucun pays n’est évidemment cité mais chacun aura reconnu notamment les Etats-Unis. 

« Préserver la souveraineté nationale et développer la coopération européenne ». M. Poupard propose une traduction cyber du fameux « en même temps » jupitérien. Il souligne la nécessité du renforcement franco-allemand, particulièrement eu égard au Brexit et souligne le rôle que peut jouer la France au niveau européen et mondial dans l’évolution du droit international en matière cyber. « La ligne actuelle mène au chaos », précise-t-il. « Il nous faut envisager un droit de la paix et pas seulement un droit de la guerre, comme c’est le cas aujourd’hui. Je ne suis pas un pacifiste en chemise à fleurs mais il est nécessaire de réfléchir à une attitude pacifiste sur Internet ». Le sujet est vaste, complexe et sans nul doute la France devra batailler fermement pour convaincre. Il souligne la bonne relation entretenue avec le secrétaire d’état Mounir Mahjoubi et la qualité des échanges « Nous n’avons pas besoin de passer 90% de notre temps à expliquer ce que nous faisons ». Il se félicite également du rattachement du secrétariat d’État au Premier Ministre plutôt qu’à Bercy, ce qui offre plus de transversalité.

Entorse(s) à la neutralité du net

Concernant les travaux réglementaires à court terme, c’est la transposition de la directive NIS européenne qui occupe ses réflexions. Rappelons qu’après les opérateurs d’importance vitale, la directive NIS (largement inspirée de la Loi de Programmation Militaire française) vise à créer des « opérateurs de services essentiels », c’est-à-dire le cran en-dessous des OIV. Une réflexion est menée actuellement sur le périmètre de ces OSE. M. Poupard souhaite une acception relativement large. De même il souhaite une nouvelle réglementation pour l’IoT.

Il termine son propos sur une idée forte et qui pourrait faire grincer quelques dents : « Il y a des exceptions à la neutralité du net et la sécurité en est une ».

Le post quantique pour les nuls

S’est tenue ensuite une table ronde sur la nécessité de la confiance dans l’innovation, une table ronde sur laquelle nous reviendrons plus en détail dans un prochain article. La première partie s’est clôturée par l’intervention de Ludovic Perret, maître de conférences à Paris 6, Professeur à l’université Pierre & Marie Curie et chercheur à l’Inria. Le thème : "cybersécurité et cryptographie post-quantique" pouvait faire peur. Cependant, comme le disait Nicolas Boileau : « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ». C’est exactement ce qu’il s’est passé avec une intervention d’une grande limpidité sur un sujet pourtant particulièrement ardu. Là aussi, nous y reviendrons dans un prochain article.