IBM pète les plombs… et c’est bon

La filiale française a organisé hier soir un pique-nique géant complètement déjanté à l’hippodrome de Saint-Cloud pour fêter... le « cloud ».

Tout le monde connaît IBM. Une société centenaire, sérieuse, rigoureuse pour ne pas dire rigide. Les collaborateurs d’IBM sont habillés en costume bleu, chemise impeccablement repassée, cravate parfaitement nouée. Comme à l’armée, la pilosité n’a pas cours. Les joues et les mentons doivent être rasés de frais. Les collaboratrices arborent des tailleurs stricts et chics. Parodiant le grand Jacques, on dira que la fantaisie n’est pas de mise.

Aussi, lorsque l’entreprise nous convie à une soirée de rentrée afin de rencontrer les IBMeurs et leurs partenaires, on adopte le dress code bleu proposé et l’on s’attend à une soirée sérieuse où l’on parlera informatique entre grandes personnes. On ne met pas sa cravate mais on reste en costume. On va chez IBM, pas dans une start-up de geeks barbus & chevelus.

L’impression est renforcée par les vigiles à l’entrée de l’hippodrome. On doit montrer patte blanche, faire prévenir votre « chef de table » qui viendra vous donner votre badge. L’hôtesse revient, vous remet le précieux Sésame et vous accompagne à votre table. Déjà votre imagination s’emballe : nappes blanches, chandeliers, serveurs en livrée, argenterie : après tout vous êtes convié par IBM. Tout ceci se dissipe peu à peu à mesure que vous approchez du lieu des agapes. Le bruit se fait assourdissant et vous arrivez dans un gigantesque bazar. Le patron de la filiale, Nicolas Sekkaki, est en jeans / tee-shirt, a le visage recouvert d’une boule blanche à trous pour symboliser l’un des 16 services (parmi 150) que les participants doivent découvrir. Tout le monde (400 personnes) rigole de bon cœur dans un pique-nique foutraque où chacun a apporté son boire et son manger. La musique tonitrue. Au milieu d’une conversation à verbe haut vu le bruit, un bonhomme passe entre votre interlocutrice et vous-même. Il est armé d’un haut-parleur digne d’un cégétiste patenté dans lequel il s’époumone pour vous indiquer que le bar est ouvert. Comme si la quantité de solide et de liquide disposés sur les 60 et quelques tables ne suffisaient pas.

IBM c'est gratuit

Plus tard, vous conversez avec un ingénieur qui vous dévoile sa nouvelle méthode de vente. Maintenant nous associons IBM avec gratuit. Ce qui jusqu’à une date très récente ressemblait furieusement à un oxymore. Il nous dévoile les vertus du modèle freemium. En effet, plusieurs services Bluemix sont aujourd’hui proposés gratuitement. Et illimité, ajoute-t-il dans un immense éclat de rire. Deux jeunes ibmers oscillant entre geek et hipster louent le travail de Satya Nadella, patron de Microsoft, l’ancien ennemi juré.

Le tube « Funky Town » passé à pleine gomme emmène tout ce petit monde sur la piste de danse et les voisins alentours doivent maudire cette bande. Il n’y a strictement rien à vendre. Personne ne vient vous alpaguer pour vous vanter les mérites de tel service, tel produit, telle solution. Pas non plus de discours lénifiant sur les vertus cardinales de l’entreprise.

Il s’agit juste d'un pique-nique géant dans le style « soirée blanche » mais en bleu et en beaucoup moins guindé. Ceux qui doutaient qu’IBM se transformait en seront pour leurs frais. Big Blue est aujourd’hui beaucoup plus « Rock’n’Roll » que bon nombre d’entreprises de l’IT qui affichent des valeurs de « coolitude » mais sont finalement d’un classicisme consternant.

Enfin, lorsqu’on interroge l’une des responsables de l’organisation de ce superbe capharnaüm sur l’audace d’organiser un pique-nique en plein air sans solution de repli en cas d’intempéries, on nous répond avec malice : nous avons regardé Weather Channel. Effectivement, nous avions oublié qu’IBM s’occupe aussi de la météo...