Si l’héritier du Safe Harbor a passé sa première revue annuelle par la Commission sans difficulté ni entrain, il n’en va pas de même pour l’analyse du groupe des gendarmes européens des données personnelles. Ceux-ci tirent à boulets rouges sur le Bouclier, posant un double ultimatum aux autorités américaines pour qu’elles corrigent les failles du Privacy Shield.
Huit représentants du G29 ont participé au premier examen annuel du Privacy Shield les 18 et 19 septembre 2017. En octobre, la Commission publiait ses conclusions comportant quelques recommandations sur les améliorations que l’administration américaine devrait apporter notamment à ses mécanismes de certification et de surveillance, mais aussi sur l’évolution du FISA, de sorte que la législation américaine protège mieux les données des non-ressortissants face à l’espionnage gouvernemental.
Dans son analyse adoptée fin novembre, l’association des gendarmes européens des données personnelles reprennent peu ou prou les mêmes conclusions, mais les critiques sont clairement moins châtiées. Rappelons qu’à l’occasion de la promulgation du Privacy Shield en août 2016, le G29 ne s’était pas opposé au texte mais avait émis de fortes réserves.
Du mieux, mais encore loin des attentes
Evidemment, les Cnils européennes ne sont pas que négatives et saluent les efforts réalisés par les autorités américaines à « mettre en place un cadre procédural pour soutenir le fonctionnement du Privacy Shield ». Mais demeure un certain nombre de problèmes. Le G29 pointe notamment du doigt l’absence de contrôle et de vérification des entreprises américaines se réclamant « Privacy Shield-compatible » ou encore le manque d’information et de communication à l’attention des citoyens européens.
Autre motif de friction, que n’avait pas soulevé la Commission européenne : le cas des données professionnelles. Comme à l’époque du Safe Harbor, le gouvernement américain continue de considérer que les données des salariés ne sont pas des données personnelles et que, de fait, elles ne tombent pas sous le coup du Privacy Shield et ne sont pas de la compétence de la Cnil et de ses homologues. Ce qui énerve passablement ces derniers.
Pas de garantie sur la collecte de masse
Enfin, le groupe de travail s’attaque à l’accès par les autorités américaines aux données personnelles transférées. Il réclame des « preuves supplémentaires ou des engagements juridiquement contraignants pour étayer les affirmations des autorités américaines selon lesquelles la collecte de données en vertu de l'article 702 [du FISA] n'est pas indiscriminée et généralisée ». En d’autres termes, le G29 veut être assuré que la NSA et ses petits camarades ne se livrent plus à de l’espionnage massif.
En outre, le G29 revient sur des points explorés par la Commission. Il regrette ainsi que le rapport sur la PPD28 ne soit donc pas encore publié, qu’il manque toujours des membres au Privacy and Civil Liberties Oversight Board (PCLOB) et qu’une ombudsperson indépendante n’ait toujours pas été nommée. Mais contrairement à la Commission européenne, les régulateurs tapent du poing sur la table.
Appelant à l’ouverture de nouvelles discussions autour de ces sources d’inquiétudes, le G29 estime qu’un plan d’action doit immédiatement être dressé. Les points prioritaires (Ombudsperson, PCLOB, procédures) doivent être résolus d’ici au 25 mai 2018, les autres d’ici au second examen annuel du Privacy Shield. Sans quoi « les membres du G29 prendront les mesures appropriées, y compris en soumettant la décision relative à l'adéquation du Privacy Shield au respect de la vie privée aux tribunaux nationaux » de sorte que la procédure remonte jusqu’à la CJUE.