Les éditeurs et leurs pratiques irritent les grandes entreprises

Le Cigref n’y va pas par quatre chemins : les pratiques commerciales des fournisseurs de services numériques sont au mieux archaïques, au pire abusives. Le portrait du secteur brossé par l’entreprise n’est pas reluisant et pointe des modèles obsolètes et menaçant l’innovation.

Il y a un an, le Cigref sonnait la charge contre Oracle et ses pratiques commerciales. Le groupement des DSI de France et de Navarre dresse aujourd’hui le bilan. Le dialogue a bel et bien repris entre l’éditeur et le groupe de travail « Relations avec Oracle », malgré le départ « perçu négativement » de Gérald Karsenti. Mais le dossier n’a pas pour autant avancé. « Malgré les efforts d’Oracle France ces derniers mois, les entreprises membres du Cigref expriment encore une défiance et étudient des stratégies de sortie à travers des offres propriétaires alternatives ou libres » écrit le Cigref.

Et ce n’est pas mieux du côté des autres grands éditeurs. Des « points d’achoppement », pour ne pas dire de friction, avec Microsoft sur Office 365, des « discussions engluées » avec SAP, des « difficultés significatives » avec Salesforce… le tableau que brosse le Cigref des relations éditeurs-entreprises est bien sombre. Dans sa synthèse, l’association fustige « les pratiques contractuelles et commerciales jugées archaïques, voire potentiellement abusives, de certains grands éditeurs qui occupent une position de force sur le marché et paradoxalement risquent d’assécher l’innovation ».

Audits et métriques incontrôlables

Sont particulièrement visées quatre pratiques. On trouve bien évidemment les inévitables audits, source de la grogne des entreprises depuis bien longtemps et désignés comme des « représailles ». Et ce ne sont pas seulement les grands noms du logiciel d’entreprise qui y ont recours puisque les audits sont « très présents chez de plus petits éditeurs comme Microfocus ». S’y ajoute un « effet cliquet », augmentation constante des dépenses basée sur les montées de versions « forcées » ou encore « des pratiques commerciales qui pourraient s’assimiler à de la vente liée ».

N’oublions pas non plus la facturation des accès dits « indirects », témoins ou conséquences de « l’agonie d’un modèle de licence basé sur la tarification à l’utilisateur des systèmes de SAP » : une nouvelle métrique « non humaine » pour répondre à la croissance de l’internet des objets notamment. Soit « l’augmentation significative des coûts liée à des règles de conversion déséquilibrées et l’absence de définition claire des nouvelles métriques ».

Un risque pour l’innovation en général

Mais il y a peut-être plus grave encore. Aux yeux du Cigref, nous courons vers « l’assèchement de l’innovation et des solutions alternatives ». La cause ? Les multiples rachats, de Java par Oracle à GitHub par Microsoft. L’écosystème se réduit à peau de chagrin et l’association craint cette « domination du marché » par quelques grands éditeurs principalement américains. « Les membres du Cigref font face chaque jour aux promesses non tenues du cloud, à des modèles de licences à bout de souffle adossés à des tarifications complexes, à des audits longs et hostiles, à des contrats générant des dépendances, ou à des problématiques de sécurité et de protection des données auxquelles les fournisseurs n’apportent pas toutes les réponses ».

Le Cigref appelle en conséquence à un équilibrage des relations entre éditeurs et entreprises sur un modèle gagnant-gagnant. Dans ses recommandations, le groupe demande à ce que « les systèmes numériques puissent être déployés, maîtrisés et finalement gouvernés, dans les entreprises et les administrations publiques, de manière agile et sans entrave excessive ». Tout un programme…