Si le logiciel a mangé le monde, selon Mark Andreessen, l’intelligence artificielle a mangé le logiciel et est devenue omniprésente dans l’ensemble des logiciels d’entreprises. A tel point que celles-ci ne savent pas très bien quoi en faire ! selon Gartner, l’intelligence artificielle sera présente dans la plupart des logiciels d’entreprises en 2020.
Sa présence est arrivée rapidement. Il y a deux ans, l’expression « Intelligence artificielle » n’arrivait pas dans les cent premières recherches sur le site du cabinet d’analystes Gartner, elle est désormais en 7e place. Le cabinet indique que d’ici à 2020, l’IA sera la priorité des investisseurs pour 30 %. Au-delà de cette tendance de fond, la réalité est plus contrastée.
Philippe Harel et Michael Wielgowolski, l’un en charge de l’IA chez Umanis et l’autre des chatbots dans la même entreprise, constatent qu’il y a deux ans les entreprises étaient en phase d’apprentissage sans assimilation de données en continu et d’action vers l’extérieur. Aujourd’hui les entreprises semblent avoir gagné en maturité avec des intégrations plus fines vers les systèmes d’enregistrement en back-end avec, fin du fin désormais, le chatbot qui se présente comme l’interface vers les utilisateurs finaux1.
Michael Wielgowolski, en charge des chatbots chez Umanis.
L’humain juste pour aiguiser la lame ?
Pour certains outils d’IA, leur amélioration continue passe par le dialogue avec l’humain. Il présente des résultats ou des recommandations et l’humain estime si le résultat est bon ou non et applique ou non la recommandation. L’autre méthode perçue chez les spécialistes d’Umanis est d’aiguiser l’outil au fil du temps en ajoutant de nouvelles sources de données et revoir le modèle par de multiples itérations. L’approche discerne ainsi les nouvelles tendances. Dans les assurances, ce système est appliqué avec les variations météorologiques afin de déduire les grandes tendances pour provisionner ou anticiper certains risques. Il est possible de faire de même pour des produits financiers afin de les adapter à des réglementations changeantes.
Une autre approche, le RPA (Robotic Process Automation)2, s’applique sur certains processus récurrents et peu complexes. Le RPA décharge les experts de tâches à faible valeur ajoutée. Ils se concentrent ainsi sur les tâches importantes d’un point de vue métier. La solution RPA est idéale pour le renouvellement d’un mot de passe en lien avec un annuaire d’entreprise ou le déclenchement de tâches dans un système tiers.
L’intégration le plus souvent par des API REST font entrer les outils d’Intelligence artificielle dans l’interaction.
Comment fonctionne la plate-forme Oracle avec l'IA.
Un robot qui parle ou qui écrit ?
Pour beaucoup, les outils d’Intelligence artificielle présents sur le marché sont des outils génériques assez classiques. Il y a eu peu de nouveau produit en algorithmie depuis longtemps. Il faut donc se demander si l’outil est issu d’un développement spécifique ou s’il est le résultat de l’adaptation d’un algorithme open source. Selon Michael Wielgowolski, la partie Chatbot soulève des questions très spécifiques. Beaucoup d’entreprises préfèrent développer leur propre robot comme sur le Microsoft Bot Framework ou chez des éditeurs spécialisés comme Botfuel ou Konverso suivant que les clients souhaitent avoir un robot qui parle ou qui écrit. Le robot est désormais au centre des interactions et répond à des problématiques plus complexes qu’auparavant du fait de sa connexion avec les logiciels d’Intelligence artificielle. Il est évident que le chatbot va dépasser le simple côté conversationnel dans les mois ou années à venir. Plus que la voix qui est déjà une réalité, les bots perçoivent maintenant la gestuelle. L’interaction va donc être multiforme dans le futur. Un salarié pourra ainsi simplement effectuer un geste sur un chantier ou un entrepôt mimant une activité pour que le bot lui réponde et lui explique soit comment effectuer la tâche soit où trouver les outils pour l’effectuer. Ce type de robot est déjà en action sur un chantier comme nous l’a indiqué Michael Wielgowolski.
Dernier avantage perçu par les experts d’Umanis, l’Intelligence artificielle se reliant aux différentes sources de données permet de casser les silos existants sur les outils analytiques. Et d’apporter la bonne réponse au bon endroit, au bon moment, sans remettre en cause l’existant qu’il soit dans un entrepôt de données, un data lake, des outils de visualisation ou des systèmes de dashboards corporate, tout en poussant l’innovation dans les services ou les applications habituelles de gestion de la relation client, l’ERP ou les logiciels de gestion des ressources humaines.
Pierre-Alexandre Sammarcelli, manager des services de consulting sur l’expérience client chez Oracle.
Onze milliards de cookies
Autre constatation des différents experts interrogés, les entreprises ne savent pas trop bien quoi faire avec les outils d’Intelligence artificielle. Si la maturité est plus forte qu’il y a deux ans, le mouvement est lent. Selon Philippe Harel, 20 % des entreprises qui ont contacté Umanis se sont lancées dans des projets d’IA… pour faire de l’IA : 40 % ont besoin d’ateliers afin de préciser les buts du projet. Pour éviter cet écueil, des éditeurs du marché ont pris une autre approche en infusant de l’Intelligence artificielle sur l’ensemble de leur plateforme. Oracle ou Salesforce.com, avec Einstein, en sont deux exemples. L’usage est alors très construit et les utilisateurs finaux intègrent ces fonctions par des outils de type Low code/No code dans leurs application habituelles. Pierre-Alexandre Sammarcelli, manager des services de consulting sur l’expérience client chez Oracle, observe que les gens ne savent pas « l’incroyable volume de données que nous avons ou ce que nous possédons sur le marché. Nous avons plus de 11 milliards de cookies, un élément essentiel pour tous les sites de distribution e-commerce ou les distributeurs ».
Le deuxième axe de l’industrie logicielle dans ses usages de l’IA est de se l’appliquer sur ses propres produits pour fournir de meilleurs services. Oracle l’utilise pour ses logiciels dans le Cloud, qui fonctionnent de manière quasi autonome en s’autoréparant et en éliminant les couches d’administration superflu(es. ❍
(1) Lire l’article « Développez vos premiers chatbots », paru dans L’Informaticien n° 164.