"Les automobilistes de Normandie en colère", "Les gilets jaunes en colère": les groupes sur Facebook ont joué un rôle central dans le développement du mouvement des "gilets jaunes" en France, expliquent ses membres et des spécialistes.
A l'origine du mouvement, la hausse du prix des carburants et une vidéo sur Facebook qui devient virale. Une parfaite inconnue, Jacline Mouraud, interpelle "Monsieur Macron" pour dénoncer "la traque aux conducteurs".
Les automobilistes français mécontents commencent alors à se structurer autour de groupes Facebook en vue d'organiser leur première journée de mobilisation le 17 novembre.
"Facebook est l'espace idéal de floraison pour ce type de mouvement (...) déstructuré, atomisé et sans véritable représentant", explique à l'AFP Tristan Mendès France, enseignant en cultures numériques à l'Université Paris-Diderot. "Comme eux, Facebook n'a pas de centre, il repose sur des communautés".
La diversité des groupes présents sur la toile bleue est à l'image d'un mouvement dont les membres ont des profils aussi variés que leurs revendications.
Pour s'informer, se mettre d'accord, s'organiser, se retrouver: "Facebook nous sert pour absolument tout", explique Chloé Tissier, modératrice du groupe "Les automobilistes de Normandie en colère", qui compte plus de 50.000 membres.
"Lorsqu'on est en train de faire un barrage et que l'on manque de palettes pour faire du feu ou de la nourriture, on poste un message sur le groupe et très rapidement quelqu'un arrive pour nous l'apporter", détaille-t-elle.
Quand les "gilets jaunes" ont tenté de se mettre d'accord sur une liste de revendications, les sondages proposés par la plateforme ont été un des outils privilégiés.
Enfin, la modératrice pointe l'étendue du réseau social, premier en France, où "beaucoup de personnes âgées" sont présentes.
Les retraités représentent une part non négligeable du mouvement, excédés par la récente augmentation de leurs impôts.
"Si Facebook n'était pas là (...) cette détresse sociale incontestable n'aurait jamais pu atteindre la proportion qu'elle a atteint en termes de visibilité", précise Olivier Ertzscheid, enseignant-chercheur en sciences de l'information à l'université de Nantes (ouest).
Mais pour lui, la plateforme "ne devrait être qu'une étape de visibilité" qui permette de "déclencher une action politique".
Changement d'algo favorable aux GJ
Les experts avancent en outre que le changement d'algorithmes décidé par Mark Zuckerberg en début d'année a joué un rôle considérable dans l'essor du mouvement. Ce dernier dégrade la visibilité des pages, et donc des contenus publiés par les médias traditionnels, tandis qu'il privilégie ce qui est partagé par les groupes, les profils, et l'information locale.
"Les émotions liées à la colère sont celles qui se propagent le mieux sur la plateforme", explique Olivier Ertzscheid.
Sur les groupes Facebook, les membres se méfient moins des informations publiées par des membres eux-même que par les médias traditionnels, observe de son côté M. Mendès France.
"Les politiques sont faux, Les médias sont faux", peut-on lire dans la description du groupe "Les citoyens en colère", qui compte près de 16000 membres.
Cette méfiance participe à la propagation de "Fake news", selon les experts. Depuis le début du mouvement, de fausses informations ont été partagées à une vitesse folle.
Dernières en date, des publications présentant le pacte de l'ONU sur les migrations comme une attaque contre la "souveraineté de la France".
Celles-ci ont été vues et partagées des centaines de milliers de fois.
"On essaie de faire un maximum de tri sur ce que l'on publie", explique la modératrice du groupe de "gilets jaunes" normand. "Mais avec 500 à 1000 publications par jour", elle reconnaît que la tâche est ardue.
Source : AFP - Camille MALPLAT et Katy LEE