Il a tant fait débat. Les interrogations autour de la sécurité, des niveaux de services, du respect de la vie privée et tant d’autres sujets sont toujours présents mais, sans lui, rien dans la nouvelle révolution industrielle que nous vivons ne serait arrivé.
Le Cloud est véritablement le composant essentiel de cette transformation et son impact sur l’ensemble de l’économie est encore sous-estimé, car vu comme un simple outil ou encore comme dans certains commentaires du site L’Informaticien, « Un data center chez un autre ! Alors quoi de neuf avec cela ? » C’est méconnaître les conséquences d’avoir un centre de données chez un autre. Pourtant ces conséquences sont nombreuses et les retombées sur les entreprises, les personnes et l’industrie informatique ellemême sont immenses.
Des entreprises cherchant l’agilité
Jusqu’à présent les entreprises travaillaient avec un service informatique à ressources finies et chaque année, ou tous les 18 mois, les entreprises devaient recalibrer leurs besoins en puissance de calcul ou de stockage malgré de magnifiques plans directeurs à 3 ou 5 ans qui comme les plans de l’ère soviétique étaient totalement inadaptés à la réalité à laquelle était confrontée l’entreprise. Silos, empilement de technologies suivant les modes du moment corsètent les entreprises. Pour partie, le Cloud a libéré les entreprises de ce carcan en leur apportant la possibilité de se défaire de technologies obsolètes tout en conservant les outils pour continuer à faire leur métier. Suivant leurs besoins, elles peuvent adapter les capacités et les utilisations d’un simple data center chez quelqu’un d’autre à une plate-forme pour développer des applications spécifiques ou tout simplement utiliser une application sans avoir à s’occuper de maintenir en conditions opérationnelles l’infrastructure sous-jacente et la base de données nécessaire au fonctionnement de l’application. Elles sont ainsi devenues plus agiles et plus adaptables au contexte extérieur pour un coût raisonnable.
L’autre impact important du Cloud a été d’abaisser les barrières à l’entrée pour de nombreuses entreprises qui n’ont plus à dépenser au démarrage des sommes importantes pour commencer leur activité. Le modèle de paiement à l’utilisation leur permet d’ailleurs de faire suivre l’infrastructure ou la plate-forme au rythme de leur développement, qui tout le monde le sait, est loin d’être linéaire ! Aujourd’hui sans le Cloud, le concept de « start-up nation » voulu par notre gouvernement ne serait qu’un vœu pieu et le nombre de jeunes pousses présentes à Las Vegas pour le CES serait certainement bien moindre !
Les grands du Cloud d’aujourd’hui ont été aussi des « petits » au démarrage. L’industrie informatique ne leur fournissait pas les outils adéquats pour leur activité de volume sur des données non structurées. De plus, réaliser ce qu’ils souhaitaient avec les outils existants à l’époque n’auraient eu aucun sens économique devant les dépenses nécessaires pour mettre en place l’infrastructure et les applications pour faire tourner leur activité. Ils sont devenus, contraints et forcés, des innovateurs avec de nombreuses technologies qui sont aujourd’hui à la pointe et qui donnent toute sa valeur au Cloud d’aujourd’hui.
Des usages personnels en profond changement
Combien d’applications avez-vous installé avec un DVD dans la dernière année ? Dans les entreprises, la plupart des espaces de travail collectionnent les applications en ligne. Mobilité oblige, les utilisateurs ont la possibilité de se connecter à leur outil de travail depuis n’importe où, n’importe quand. C’est d’ailleurs un élément important pour gagner en productivité, ce dont a bien besoin notre économie face à la concurrence.
Même le « vulgum pecus » a un compte de messagerie en ligne sur un des différents Clouds publics. Il raconte sa vie sur les réseaux sociaux et recherche du travail par son réseau, et ce toujours en ligne. Les inquiétudes autour de sa vie privée, si elles sont présentes, comptent en fait bien peu. Après le scandale Cambridge, Facebook a perdu 9 millions d’utilisateurs réguliers aux États-Unis, une paille face au 1,49 milliard d’utilisateurs quotidien et aux 2,27 milliards d’utilisateurs actifs – se connectant une fois par mois pour produire du contenu sur la plate-forme. Les gouvernements ont bien l’idée d’encadrer cette nouvelle hydre aux multiples têtes. Cela semble une tâche proche de celle du rocher de Sisyphe. Mais pourquoi un tel engouement sur les outils en ligne ? Ils sont tellement simples à utiliser… On se connecte, on crée un compte par simple login/mot de passe et nous voilà en ligne pour joindre nos proches ou nos collaborateurs, pour utiliser l’application dont nous avons besoin. Il est d’ailleurs possible de trouver à peu près tout, que ce soit pour les loisirs ou pour compléter les outils fournis par notre entreprise. Face à la puissance de la simplicité des outils, les éditeurs d’outils d’entreprises ont perdu la partie. D’ailleurs leur interface devient souvent Facebook ou Google « like » !
L’industrie informatique se transforme aussi
L’impact le plus spectaculaire du Cloud est certainement celui qu’il a sur l’industrie informatique elle-même. Étonnant de voir comment l’ensemble de l’industrie, et surtout les plus réfractaires au début du Cloud, s’est ralliée à ce modèle ou à cette vague qui semble inarrêtable. Microsoft, Oracle et l’ensemble des constructeurs, éditeurs se convertissent à un modèle qui fait tomber dans les oubliettes de l’histoire les modèles de vente avec licences perpétuelles ou ayant pour but d’avoir la propriété d’un logiciel. Plusieurs acteurs de l’industrie ont d’ailleurs changé leurs équipes commerciales pour accélérer leur mutation vers le tout service.
L’impact le plus fort reste cependant celui qui affecte les partenaires de ces grands faiseurs de l’industrie. Le « channel », les revendeurs des produits connaissent eux-aussi de profonds changements pour s’adapter à cette nouvelle donne. Un débat récent au Club de la Presse Informatique B2B a permis de voir que la plus grande partie de l’industrie a largement fait évoluer ses partenariats commerciaux. Ces partenaires doivent convaincre de passer par eux plutôt que d’acheter le service directement auprès de l’offreur. Le fait même de vendre du Cloud doit être une conviction du partenaire, ce qui semble le cas dans notre pays selon une étude de Context Media cité lors de ce débat. Certains comme au début du Cloud trouvent toujours des raisons pour ne pas vendre des services dans le Cloud mais ils deviennent de moins en moins nombreux à rester sur le modèle « pousse boîte » des dernières années. Certains fournisseurs présents lors de ce débat résumaient d’ailleurs la situation par un changement conséquent d’une seule phrase : « Fewer but better », moins mais mieux. Malgré cela, ces « partenaires » sont devenus plus nombreux en France durant les dix-huit derniers mois. L’abaissement de la barrière d’entrée grâce au Cloud en est le premier moteur. ❍
Article publié dans L'Informaticien n°174.