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  • PĂ©kin se lance Ă  l’assaut de ses gĂ©ants de la tech

    Le siĂšge d'Alibaba

    RĂ©glementation sur la protection des donnĂ©es personnelles, procĂ©dures anti-trust, amendes... le gouvernement chinois multiplie les actions pour faire rentrer les Alibaba, Tencent et autres gĂ©ants du numĂ©rique dans le rang. 

    DĂ©but novembre, Ant Group, filiale du gĂ©ant Alibaba, devait faire son entrĂ©e Ă  la bourse de Shanghai. L’opĂ©ration Ă©tait pressentie pour battre de nouveaux records, la branche bancaire du groupe chinois prĂ©voyant une IPO Ă  34 milliards de dollars. Mais, Ă  quelques minutes de l’ouverture de la place financiĂšre, le rĂ©gulateur suspendait l’introduction. Cette dĂ©cision, dont les motivations sont toujours sujettes Ă  dĂ©bat, marquait le lancement d’une offensive Ă  grande Ă©chelle de PĂ©kin contre ses gĂ©ants de la tech. 

    Le 10 novembre, l’autoritĂ© chinoise en charge de l’anti-trust, l’Administration d’Etat Ă  la rĂ©gulation du marchĂ©, publiait un brouillon de nouvelles lignes directrices relatives Ă  la concurrence. Sur 22 pages, le rĂ©gulateur dĂ©crivait les mesures Ă  prendre afin d’éviter que les plateformes numĂ©riques ne restreignent la concurrence ainsi que les pratiques relevant d’un abus de position dominante, qui sont trĂšs largement laissĂ©es Ă  la discrĂ©tion des autoritĂ©s. 

    Serrage de vis

    La vente Ă  perte, les accords d’exclusivitĂ© ou encore les variations de prix basĂ©es sur les donnĂ©es des consommateurs sont comprises dans les pratiques en violation des nouvelles rĂšgles, et plus globalement il suffit que le rĂ©gulateur apporte la preuve que la plateforme porte atteinte Ă  l’intĂ©rĂȘt du consommateur, ou modifie son comportement en sa faveur, pour qu’elle fasse l’objet d’une sanction. 

    Cette directive est un revirement spectaculaire quant Ă  la stratĂ©gie de PĂ©kin relative aux gĂ©ants de la tech. Pendant longtemps, le gouvernement s’est montrĂ© particuliĂšrement tolĂ©rant Ă  l’égard des positions monopolistiques, favorisant la capacitĂ© de ces entreprises privĂ©es Ă  peser Ă  l’international. Cependant, la montĂ©e des gĂ©ants chinois, vu jusqu’à prĂ©sent d’un Ɠil bienveillant par les autoritĂ©s, semble dĂ©sormais effrayer le Parti communiste chinois. Et ce pour plusieurs raisons. 

    Sur le plan politique tout d’abord, les entreprises du numĂ©rique montrent une certaine rĂ©ticence Ă  se plier aux directives gouvernementales. Ce n’est pas neuf : ainsi la mise en place du systĂšme d’identitĂ© rĂ©elle, au cƓur de la surveillance d’Internet par PĂ©kin, s’est heurtĂ© depuis le milieu des annĂ©es 2000 aux mĂ©thodes de contournement mises en Ɠuvre par les Tencent, Sina et autres Baidu. Alors que les citoyens chinois passent toujours plus de temps en ligne, le poids des grandes plateformes et leur diversification (vidĂ©o en direct, rĂ©seaux sociaux, agrĂ©gation de contenus, services financiers, jeux vidĂ©o) compliquent sĂ©rieusement la tĂąche de la Cyberspace Administration of China, l’organe du gouvernement centrale supervisant le contrĂŽle de l’information en ligne. 

    Des entreprises tentaculaires

    Pire encore, gagnant toujours en puissance et en parts de marchĂ©, les gĂ©ants ont commencĂ© Ă  contester les ordres du PCC, Ă  l’instar de l’opposition d’Alibaba aux accusations du rĂ©gulateur, qui lui reprochait de revendre des contrefaçons en 2015, le groupe de Jack Ma obtenant finalement le retrait du rapport Ă©mis par l’Administration d’Etat du Commerce et de l’Industrie. 

    Alors, quand fin octobre le mĂȘme Jack Ma fustigeait le secteur bancaire chinois, PĂ©kin a vu rouge, bloquant l’IPO d’Ant Group. La filiĂšre des fintech est en effet en forte croissance en Chine, Alipay comptant 700 millions d’utilisateurs mensuels actifs, 800 millions en ce qui concerne Wechat Pay de Tencent, concurrençant les banques traditionnelles, qui relĂšvent en RĂ©publique Populaire du secteur public. Or le gouvernement se lance en parallĂšle Ă  la chasse aux services de prĂȘts bancaires et plus largement scrute de trĂšs prĂšs les fintechs, au motif de la multiplication des arnaques aux dĂ©pens des consommateurs. 

    Et c’est l’autre point amenant PĂ©kin Ă  vouloir rĂ©guler le secteur de la tech : la sĂ©curitĂ© des consommateurs. Ce qui peut sembler un prĂ©texte Ă  un resserrage de vis en rĂšgle, mais ce serait oublier que le principal souci du PCC est de garantir la stabilitĂ© du systĂšme et d’éviter les troubles sociaux. L'exemple des scandales Ă  rĂ©pĂ©tition quant aux pratiques des Big Tech en Europe et aux États-unis doit faire se lever plus d’un sourcil au ComitĂ© central du Parti. 

    Tolérance zéro

    Ainsi, sur le terrain des donnĂ©es personnelles, en l’absence de cadre rĂ©glementaire, de nombreuses applications chinoises appliquent une politique consistant Ă  “collecter maintenant tout ce qu’il est possible de collecter et voir plus tard ce dont on a besoin”. Or en octobre dernier, le CAC a publiĂ© le brouillon d’une future loi sur la protection des donnĂ©es personnelles, approfondie au dĂ©but du mois : les nouvelles rĂšgles entendent restreindre la collecte des donnĂ©es Ă  ce qui est strictement nĂ©cessaire. Ce qui, par extension, concernera l’usage que Tencent, Baidu ou Alibaba font des informations de leurs centaines de millions d’utilisateurs. 

    Enfin, le 14 dĂ©cembre, c’est le coup de boutoir : l’Administration d’Etat Ă  la rĂ©gulation du marchĂ© sanctionne Tencent et Alibaba. Les deux gĂ©ants se voient reprocher par le rĂ©gulateur de ne pas l’avoir notifiĂ© ni avoir obtenu son feu vert dans la rĂ©alisation d’acquisitions ou d’investissements en 2018. Ils Ă©copent tous deux d’une amende d’un montant de 500 000 yuans, montant qui peut paraĂźtre dĂ©risoire, mais qui signale que PĂ©kin a sifflĂ© la fin de la rĂ©crĂ©ation et se montrera dorĂ©navant moins tolĂ©rant Ă  l’égard des gĂ©ants de la tech.