Esport: face à une filière "complètement brisée", l'avenir incertain des joueurs d'Océanie

Malgré une forte croissance globale, la fermeture de la ligue d'Océanie de League of legends, l'une des compétitions esport les plus importantes de l'hémisphère sud, est un coup dur pour ses joueurs qui se retrouvent face à un avenir incertain.

Dragon

L'Oceanic Pro League (OPL) - la ligue régionale du jeu vidéo League of legends, l'un des jeux phares de l'esport -, a fermé ses portes en octobre dernier après cinq ans d'existence.

L'Australien Dragon Guo, 20 ans, qui jouait pour l'équipe des Chiefs sous le surnom "Dragku" est l'un des joueurs affectés par la décision de l'éditeur Riot Games. 

Après s'être penché sur des offres du championnat nord-américain, il a finalement décidé de rester à Sydney pour poursuivre ses études et continuer à jouer.

"La plupart des personnes qui ont arrêté leurs études pour devenir joueur professionnel sont dans une situation difficile", confie Guo à l'AFP. 

"C'est très dur pour un joueur débutant. Maintenant qu'il n'y a plus de championnat, on ne peut plus vraiment faire ses preuves", ajoute-t-il.

- Précipité mais prévisible -

D'après Frank Li, fondateur du "Chiefs esports club", équipe présente en OPL depuis le lancement de la compétition en 2015, la fermeture du championnat est intervenue de manière précipitée mais était malheureusement prévisible. 

Les compétitions de League of legends ont plus de 10 ans désormais et des championnats régionaux  continuent de se développer à travers le monde. Alors que les ligues régionales en Amérique du nord ou en Europe par exemple ont réussi à assurer leur viabilité économique avec des contrats de sponsorings majeurs, l'Océanie n'y est pas parvenue. 

Dans son communiqué annonçant la dissolution de la ligue, Riot Games a ainsi indiqué qu'il ne croyait pas que le marché dans cette région "soit en mesure de soutenir la ligue dans sa forme actuelle". 

Le marché australien présente un certain nombres de particularités, notamment son isolement géographique et le fait que ses spectateurs préfèrent souvent suivre les compétitions à l'étranger. 

Cette situation a soulevé de sérieuses questions quant à savoir si l'écosystème de l'esport était suffisamment développé pour prospérer dans la région. 

- Nouvelle génération -

"Les conséquences vont être plus importantes sur le long terme pour la nouvelle génération de joueurs qui arrive", estime David Cumming, un chercheur de l'université de Melbourne spécialisé dans l'esport. "Cela va être beaucoup plus difficile que par le passé." 

Riot Games s'est engagé à organiser des tournois qualificatifs en Océanie pour ses deux principales compétitions internationales et à faciliter l'intégration des joueurs de la région dans ses ligues nord-américaines. 

Il fut un temps, les joueurs auraient pu espérer monter dans les classements en "solo Q", c'est-à-dire en entrant dans une compétition seul sans le soutien d'une équipe, afin d'attirer l'attention d'une structure.  

Mais à mesure que l'esport devient de plus en plus professionnel et compétitif, l'écart entre les pros et les amateurs s'est accru, rendant la voie de la "solo Q" beaucoup plus difficile. 

"L'époque où on pouvait jouer en +solo Q+ et se faire repérer par une équipe est révolue", estime Cumming. 

"Il faut avoir un réseau et être recruté par une équipe en plus d'être un très bon joueur individuel. A partir de là, on pouvait entrer en OPL puis percer à l'international si on était assez bon. Maintenant (avec la disparition du championnat), ce maillon de la chaîne n'existe plus", ajoute-t-il.

Pour Cumming, l'organisation de grandes compétitions internationales en Australie, comme l'Intel Extreme Masters et le Melbourne eSports Open, reste le meilleur moyen pour l'esport de se développer dans la région. 

Frank Li conserve lui l'espoir de voir les organisateurs reconstituer une ligue plus pérenne dans le futur. 

"Mais pour ce qui est de la voie vers le professionnalisme, elle est complètement brisée, et la façon dont elle sera reconstruite dépendra des décisions qui seront prises dans les deux-trois prochains mois", dit-il.

Source : AFP - Johnny LIEU