Le président de l’Arcep veut renverser « les seigneurs de l'Internet féodal »

« Défendre internet comme un bien commun » : le président de l’Arcep Sébastien Soriano a fait de cette phrase son crédo comme il l’explique dans une tribune, suite à l’amende infligée par Bruxelles à Google. Il appelle à « rééquilibrer les forces sur Internet ».

La tribune est signée Sébastien Soriano, mais elle ne l’est pas forcément au titre de président de l’Arcep. C’est en tant que e-citoyen, militant conscient des bouleversements en cours qu’elle est présentée ; « bien au-delà de mes responsabilités à l'Arcep ». Cyber-anarchiste, Sébastien Soriano ? Il appelle en tout cas à « renverser les seigneurs de l'internet féodal, ou du moins de contrebalancer leur pouvoir, tempère-t-il. La révolution numérique doit rester belle et indomptée, ouverte aux vents de la liberté et à de nouvelles invasions barbares ». 

L’élément déclencheur de ce pamphlet a été la récente condamnation de Google (Shopping) de la part de la Commission Européenne. 2,4 milliards d’euros d’amende qui résonnent comme une première victoire aux oreilles de Sébastien Soriano, en ce qui concerne « la liberté d'entreprendre et d'innover ». « Il est temps de prendre le taureau par les cornes », écrit-il encore, et de s’attaquer à une anomalie : la domination de l’ère informationnelle par quelques géants et au-delà au concept de « plateformes » qui a permis aux Airbnb, Facebook, Uber et consorts d’imposer leurs lois et « à certains de s'ériger en "seigneurs" ». 

Une impulsion européenne ? 

L’instant est déterminant selon lui. « C'est maintenant qu'il faut agir pour choisir notre futur », rappelle-t-il, alors que la collecte des données explose, que nous sommes « à l’aube d’un nouveau monde » du « full data », de l'intelligence artificielle et autres technologies de rupture. « Au-delà du choix binaire entre un protectionnisme passéiste et un enthousiasme technologique naïf, ranimons une autre voie : celle de l'ouverture et du pluralisme, qui sont les meilleures garanties pour tracer le bon chemin », souligne-t-il encore. 

Il s’agit désormais de conjuguer « l'agilité et l'initiative du privé [avec] le long terme et la solidarité du public » et de l’appliquer aux spécificités du monde actuel. Et plusieurs questions restent en suspens. « Faut-il imposer à certains acteurs de rendre leurs services interopérables pour éviter un monde dans lequel des systèmes différents ne se parlent pas entre eux ? Certaines données ou applications sont-elles par ailleurs déterminantes dans la performance des algorithmes ? Si oui, faut-il y donner accès à d'autres fournisseurs, dans une logique de " dégroupage " ? », s’interroge Sébastien Soriano. La réponse sera, à notre échelle, européenne a minima, mais peut « d’ores et déjà être initiée en France ». « N'ayons pas peur de penser notre avenir », conclut-il.