La valo de Shazam (et d'autres) pose question

A l’instar d’autres licornes, la valorisation de Shazam supérieure à 1 milliard de dollars commence à interpeller certains analystes vu la faiblesse de son chiffre d’affaires et le peu de perspectives quant à sa profitabilité.

Pour l’année 2016, Shazam a réalisé un chiffre d’affaires de 40 millions de livres sterling, soit environ 45 millions d’euros, en progression de 14% par rapport à l’année précédente. Les pertes nettes se sont élevées à 4 millions de livres contre 16,6 en 2015. La situation va donc en s’améliorant mais ces faibles chiffres posent la question de la valorisation de l’entreprise.

En effet, l’application de reconnaissance musicale existe depuis 1999 mais c'est en 2008 qu’elle a véritablement pris son essor grâce à la version pour smartphone, d’abord Apple puis Android. Très intégré à iTunes, Shazam tire une partie de ses revenus de ce couplage puisque lorsque un morceau identifié par ses soins et acheté par l’utilisateur sur iTunes, Shazam perçoit une commission. Le reste de ses revenus est composé de publicités et de quelques versions payantes sans pub.

30 millions investis en 2015

Mais là où cela commence à questionner voire à inquiéter un bon nombre d’analystes, c’est que Shazam ne semble pas bénéficier du formidable développement de la musique en ligne et tout particulièrement le développement d’Apple Music en lieu et place du téléchargement de naguère.

En 2015, les fonds Kleiner Perkins Caufield & Byers et Institutional Venture Partners ont investi 22 millions de livres sur la base d’une valorisation d’1milliard de dollars, faisant ainsi rentrer la société britannique dans le cercle prestigieux des licornes. Cette même année, Shazam réalisait 35 millions de livres de CA et 16,6 millions de pertes comme nous l’avons mentionné plus haut.

Certes, les pertes ont baissé en 2016 mais la croissance du chiffre n’est pas au rendez-vous. Dans ces conditions valoriser l’entreprise 25 fois son chiffre d’affaires et 250 fois ses pertes commence à inquiéter le petit monde du capital-risque. Le patron Andrew Fisher se montre confiant et satisfait de la performance de 2016. Il déclare que la rentabilité n’est pas le point-clé aujourd’hui mais que l’entreprise préfère se concentrer sur l’innovation produit, la R&D et le capital humain. Fort bien, mais il va nécessairement arriver un moment où les investisseurs vont demander des comptes.

Shazam n'est pas seul concerné

Ajoutons que la situation de Shazam n’est pas isolée. Nous nous sommes fait l’écho au printemps dernier de Juicero, cette start-up qui vendait des machines à jus de fruit et des poches de jus, dans un modèle « à la Nespresso ». Plus de 100 millions de dollars ont été injectés dans cette aventure qui s’apparente à une véritable fumisterie. D’autres licornes vont sûrement être scrutés bien plus attentivement dans les mois à venir, tout particulièrement la première d’entre elles, Uber, dont la valorisation à 70 milliards de dollars commence à donner des sueurs froides. Et que dire de Spotify, qui explose son chiffre d’affaires (près de 3 milliards d’euros en 2016) mais explose tout autant ses pertes (540 millions) en partie à cause d’une dette convertible dont les conditions sont très défavorables. Les exemples de ce type sont légion. Tant que l’argent coule à flot et que les taux d’intérêts sont faibles, tout va continuer ainsi mais que se passera-t-il lors de la remontée des taux qui ne manquera pas d’arriver ou encore si l’une de ces grosses licornes venait à mettre la clé sous la porte. On n’ose imaginer l’effet domino.