Contrat «Open Bar»: une sénatrice demande une commission d’enquête

Joëlle Garriaud-Maylam, sénatrice LR des Français de l’étranger, a soumis à la commission Défense et affaires étrangères du Sénat une proposition de résolution : créer une commission d’enquête chargée de se pencher sur le contrat-cadre liant Microsoft et l’armée française. Une première depuis la signature du premier accord entre Redmond et la Grande Muette.

A chaque renouvellement, ce contrat fait couler beaucoup d’encre. Le contrat-cadre entre le ministère de la Défense et Microsoft a été initialement signé en 2009, renouvelé en 2013 puis de nouveau en 2017. Totalement opaque, passé sans mise en concurrence ni publicité, couvrant la quasi-intégralité du catalogue Microsoft, il fait hurler tant certains élus que les défenseurs du logiciel libre. Mais à l’occasion du renouvellement 2017, l’accord pourrait bien être passé au crible d’une commission d’enquête parlementaire.

C’est le sens d’une proposition de résolution soumise en Commission Défense et Affaires étrangères du Sénat. Son auteure, la sénatrice LR des Français de l’étranger Joëlle Garriaud-Maylam, demande que soit créée une commission d’enquête « tendant à analyser les conditions de passation et de renouvellement de l’accord cadre entre le Ministère de la Défense et Microsoft et à formuler des propositions pour renforcer la souveraineté numérique et la cybersécurité de la France ».

Faire la lumière sur un accord opaque

La sénatrice rappelle dans sa proposition certains points devant être éclaircis. Elle s’interroge ainsi sur « les enjeux en matière de souveraineté numérique et de cybersécurité du choix d'une centralisation de l'intégralité du système informatique du ministère des Armées » d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une entreprise américaine, soumise entre autre au Patriot Act. Le « manque de transparence et de débat public », « la régularité d'un recours à une procédure négociée sans publicité » et « la réalité des « importantes économies » par ce contrat » doivent également être examinées.

Enfin, point épineux, « l'opportunité de recourir à une entreprise extra-européenne en position dominante », ce qui soulève également des questions de fiscalité : l’accord a peut-être été signé en France, c’est Microsoft Irlande qui empoche les 120 millions d’euros (présumés, le montant réel n’ayant pas été rendu public).

Un peu de libre

Sur ces différents points, Joëlle Garriaud-Maylam a posé plusieurs questions aux ministres concernés depuis octobre 2016 et la révélation par l'émission TV Cash Investigation du deuxième renouvellement de ce contrat. Sans jamais recevoir de réponse totalement convaincante. La commission d’enquête aura donc pour mission d’examiner les conditions de passation et de renouvellement des accords cadres et « l’état de dépendance » de notre défense nationale à Microsoft. Elle « s'attachera à élaborer des préconisations pour renforcer la souveraineté numérique de la défense française et pour assurer une utilisation au plus juste des deniers publics ».

En outre, la nouvelle ministre des Armées préparant « une feuille de route pour le ministère des armées, indiquant à la fois le calendrier et les applications pour lesquelles il serait pertinent de passer au logiciel libre, sera[it] établie courant 2018 », la commission pourrait formuler des recommandations et des avis afin d’alimenter ladite feuille de route. Mais encore faut-il que la proposition de résolution soit acceptée par la Commission Défense et Affaires étrangères du Sénat.

Dans un communiqué, l’April applaudit des deux mains : l’Association pour la Promotion et la Recherche en Informatique Libre appelle la création de pareille commission depuis 2016. Saluant la proposition de la sénatrice, Frédéric Couchet, délégué général de l'April, estime que « la création d'une commission d'enquête permettra au Parlement d'exercer sa mission de garant des politiques publiques et de faire la lumière sur les relations opaques et préoccupantes qui existent entre Microsoft et l'État français ». L'association appelle évidemment les sénateurs et sénatrices, quelle que soit leur couleur politique, à adopter la résolution.