Les nouvelles règles européennes en matière d’e-commerce et de protection des consommateurs inquiètent. En effet, les autorités nationales de protection des consommateurs pourront exiger des FAI le blocage d’un site, sans le garde-fou d’une décision judiciaire.
Le Parlement européen a adopté un ensemble de règles visant à renforcer la protection des consommateurs contre la fraude en ligne. La première problématique à laquelle répond ce règlement consiste à « combler les failles » ouvertes par la grande diversité des prérogatives des autorités nationales en charge de la protection des consommateurs, la DGCCRF en France par exemple.
D’un pays à l’autre, les lois diffèrent, de telle sorte qu’un certain nombre de « lacunes juridiques » peuvent laisser un site opérer quand bien même il s’agit potentiellement d’une arnaque. « Étant donné que les commerçants opèrent de plus en plus sur l’ensemble du marché intérieur, nous avons besoin de mécanismes efficaces pour régler les problèmes qui pourraient survenir », expliquait la rapporteure de la commission du marché intérieur du Parlement, la Tchèque Olga Sehnalová.
La protection des consommateurs, un prétexte ?
Les pouvoirs de ces autorités se verront donc élargies afin de coordonner leurs actions à travers l’UE et, le cas échéant, agir plus facilement à leur propre niveau. C’est justement une disposition de ce type qui inquiète l’eurodéputée pirate Julia Reda. Le règlement introduit la possibilité pour les autorités compétentes d’ordonner le blocage de l’accès à un site web, et ce sans autorisation d’un juge.
Si les défenseurs de la mesure la justifient par la nécessité d’agir avec célérité pour que cesse la fraude, les risques d’abus sont bien réels, signale l’eurodéputée. « Cela force les FAI à mettre en place une infrastructure permettant de bloquer un site Web », infrastructure qui risque bien entendu d’être détournée de son usage premier, la protection des consommateurs.
Blocage de sites favorables à l'indépendance de la Catalogne
De tels systèmes existent déjà chez certains FAI. Julia Reda pointe les blocages en Espagne de sites en faveur de l’indépendance de la Catalogne. « Ces actions ont pu être réalisées si rapidement parce que l'infrastructure de blocage de sites Web avait déjà été mise en place à d'autres fins, le blocage de contenus enfreignant le droit d’auteur » écrit-elle. Mais si le blocage de sites de partage de torrent ou de streaming de contenus illicites nécessitait un ordre d’un tribunal, les nouvelles règles se passent de juge.
On peut alors tout à fait imaginer que les associations d’ayants droit en profiteront pour tenter de faire bloquer un certain nombre de sites au titre de la contrefaçon, quand bien même il ne s’agit pas de protection du consommateur. Julia Reda a bien proposé un amendement remplaçant le blocage par une mesure plus ciblée, le retrait du contenu, amendement finalement absent du compromis final adopté mardi par les eurodéputés.