Joyeux anniversaire l’Open Source !

Le 3 février dernier, l’Open Source fêtait ses 20 ans ! Pourquoi le 3 février ? Il fallait bien fixer une date. On en a bien donné une à la naissance de Jésus. Alors, comme pour le Messie, il en fallait une pour consacrer la naissance d’un mouvement qui se veut bien plus large que le simple accès au code d’un logiciel.

Pour revenir à ce 3 février 1998, rien ni personne ne pensait qu’il ferait date. C’était seulement le jour où Netscape a mis son code en Open Source. En réalité, le mouvement est bien plus ancien et date de la fin des années 70 où une figure emblématique, Richard Stallman, créa un nouveau logiciel pour contrôler l’imprimante de son bureau. À cette occasion, il découvrit qu’il lui était impossible d’avoir accès au code source lui permettant d’adapter son logiciel. Furieux de ce fait, il entra en guerre contre le « propriétaire ». Son objectif final était de développer un système d’exploitation, Hurd. À cette fin, il développa GNU, un système d’exploitation qui ne voulait pas être Unix. Dans la foulée, il écrivit un manifeste qui posait les bases du logiciel libre… En face de la montée en puissance du logiciel libre, tous les industriels vendant des logiciels « propriétaires » sont alors vent debout. Parmi les contempteurs les plus violents : Microsoft ! Les visiteurs des Salons Linux de la fin des années 80 et des années 90 ont encore les oreilles qui résonnent des échanges acides et des invectives lancés sur le stand de Microsoft. L’éditeur de Seattle y exposait bravement son intégration de Windows avec Posix !

L’ère des chapelles

Du fait de la reconnaissance de plus en plus marquée de ce modèle, différentes chapelles sont apparues. Il en reste quelques vestiges aujourd’hui. D’un côté les orthodoxes qui voient dans l’Open Source ou le logiciel libre une philosophie globale visant à améliorer le monde d’ici-bas. De l’autre, les pragmatiques qui développent un marché sans vouloir créer de confusion autour du concept du « free », libre ou gratuit selon les traductions. En réalité, pas gratuit ! Mais vous pouvez utiliser, modifier et distribuer le code à condition que vous partagiez vos modifications avec la communauté.

Il reste aussi quelques acharnés pour fustiger encore les éditeurs continuant à vendre leurs logiciels de manière propriétaire. C’est un combat un peu d’arrière-garde vu le nombre d’éditeurs utilisant ou reprenant des briques open source dans leurs offres. Microsoft, Oracle, IBM sont aujourd’hui des contributeurs dans les communautés et ont assez facilement oublié tous ce qu’ils disaient et le bien qu’ils pensaient de l’Open Source à l’époque…

Et aujourd’hui ?

Si ce n’est quelques irréductibles, le modèle pragmatique ne visant qu’à l’amélioration du logiciel est devenu le modèle dominant. Tous les géants actuels s’appuient sur des outils issus de cette mouvance. Ils industrialisent des avantages déjà identifiés de l’Open Source dans un ouvrage qui, lui aussi, a fait date : « La Cathédrale et le Bazar », posant les fondements du DevOps et des méthodes agiles d’aujourd’hui.

Quand je dis le modèle dominant, je ne le dis pas seulement comme étant le plus répandu. Aucun logiciel ne se crée actuellement sous la forme d’un logiciel propriétaire ou de licence comme nous les connaissions au début de ce siècle. La plupart sont désormais sous forme de services à partir du Cloud et sont facturés à l’usage ou par un abonnement. Les modes de commercialisation suivent ceux des grands du Web qui sont aussi les grands utilisateurs de l’Open Source aujourd’hui. Mieux, ce sont eux qui sont les grands innovateurs, plus que les industriels issus du monde propriétaire.

L’innovation que porte l’Open Source est multiforme et adresse l’ensemble des couches de l’informatique. La plus ancienne concerne l’infrastructure. Cloud, containers, bases de données NoSQL ne sont que quelques exemples des technologies qui maintenant changent les architectures et la manière de concevoir ou gérer l’informatique dans une entreprise.

Dans le middleware, l’Open Source a aussi imposé l’intégration légère par API et non les liaisons point à point comme on les connaissaient auparavant. REST est devenu un standard de fait dans le domaine. Ces intégrations légères vont jouer un grand rôle dans les architectures de containers ou de micro-services qui montent en puissance pour supporter les nouvelles applications dans les entreprises. Seul le niveau applicatif et les applications sur le poste de travail résistent encore un peu à la vague. Mais il est tout à fait possible de trouver quasiment sur tous les types d’applications une alternative open source aux logiciels du marché. Certaines sont d’ailleurs des réussites commerciales, comme SugarCRM dans la gestion de la relation client, ou d’autres dans la business intelligence ou l’ERP.

Ne pas réinventer la roue

L’autre grand avantage qui permit à l’Open Source de s’imposer est le fait que les entreprises ou les développeurs n’ont pas à refaire le travail déjà effectué. Par la libre utilisation du code source, les développeurs ont une base de travail et ils peuvent à loisir améliorer ou étendre le logiciel pour leurs besoins. Cette adaptation du logiciel est aussi dépendante de l’importance de la communauté réunie autour de ce logiciel. Plus elle est nombreuse et plus l’amélioration ou l’innovation ira vite.

Alliés aux méthodes itératives, les cycles de développement des logiciels se sont significativement raccourcis et des éditeurs « propriétaires » profitent aussi de ces changements, sans compter qu’ils intègrent de plus en plus de briques open source dans leurs produits. En effet, pourquoi redévelopper ce qui existe déjà et qui est disponible gratuitement ? Si on entend beaucoup parler d’Intelligence artificielle, la plupart des solutions proposées s’appuient sur des algorithmes en Open Source existants que les éditeurs, plus ou moins grands, adaptent à leurs besoins.

Ce qu’il faut retenir de cette histoire récente est de voir comment l’Open Source est devenu le modèle dominant repris et accepté par tous, même par les anciens ennemis, et les avantages que ce modèle procure au développement de l’industrie informatique en posant les bases pour une automatisation sur des volumes massifs de données et d’équipements. L’Open Source n’est pas la fin de l’histoire de l’informatique mais juste une étape nécessaire pour que cette industrie en devienne vraiment une, comme la standardisation est nécessaire dans les autres industries !

Article publié dans le n°165 de L'Informaticien.