Il a fait du chemin, le projet de réforme du droit d’auteur à l’échelle européenne depuis le rapport Reda. Mais hier le texte de la future directive a été rejeté par le Parlement européen, après de longs échanges houleux se concentrant principalement sur les articles 11 et 13.
Après des débats particulièrement âpres et un lobbying intense, le Parlement européen s’est prononcé sur le projet de réforme du droit d’auteur qui traîne dans les tiroirs de l’Union depuis maintenant quelques années. Et c’est un refus majoritaire que les eurodéputés ont opposé au texte, à 378 voix contre, 278 voix pour et 31 abstentions en séance plénière hier.
Cette directive “sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique” prévoyait une “approche harmonisée des règles” en matière de droit d’auteur dans un “environnement numérique et transfrontière”. Et si ces questions sont toujours à l’origine de discussions animées au niveau national, inutile de vous dire qu’à l’échelle européennes, les débats étaient particulièrement électriques !
Faire payer les agrégateurs de news
Dans les jours précédents le vote, les tensions se sont cristallisées autour des articles 11 et 13 du projet de directive. Le premier étend les droits des éditeurs de presse, un simili “droit voisin” leur permettant d’exiger d’être rémunérés pour les usages de leurs articles ne tombant pas dans le droit de citation. En résumé, l’article 11 autorise les journaux, magazines et autres agences de presse d’être payés par les agrégateurs d’actualités, à l’instar de Google News.
Un vieux serpent de mer qui réapparaît régulièrement en Europe, avec plus ou moins de succès (généralement moins). Si l’article peut sembler être une avancée pour les éditeurs de presse, ses opposants, des GAFAM aux écologistes en passant par les acteurs émergents du Web, l’ont battu en brèche. La mesure favoriserait uniquement les grands groupes de presse, ayant les reins suffisamment solides pour jouer le bras de fer contre un Google, aux dépens des titres indépendants et des jeunes pure players qui seront les premiers à pâtir de la confrontation. Mais elle impacterait aussi négativement ceux qui veulent être une alternative aux géants américains en faisant peser sur eux une menace économique.
Filtrage automatisé
L’article 13 crée quant à lui une nouvelle obligation pour les “prestataires de services de la société de l'information qui stockent et donnent accès à un grand nombre d'œuvres et autres objets protégés chargés par leurs utilisateurs”. Plateformes et hébergeurs de contenus se verraient alors contraints de prendre “des mesures destinées à assurer le bon fonctionnement des accords conclus avec les titulaires de droits”. Soit de mettre en place des dispositifs de filtrage des contenus “tels que le recours à des techniques efficaces de reconnaissance des contenus” de sorte à empêcher la “mise à disposition” de contenus sans l'accord de leurs ayants droit.
C’est un revirement majeur de la notion de responsabilité légale de l’hébergeur, puisque l’on passe alors d’un contrôle a posteriori à un filtrage a priori des œuvres. Une nécessité selon les sociétés d’ayants droit, non seulement pour assurer de la licéité de la mise à disposition d’une oeuvre mais aussi à réduire les écarts de rémunérations entre les plateformes et les ayants droit.
On en reparle à la rentrée
Mais pour d’autres, il s’agit purement et simplement de censure. D'autant que le dispositif pèsera surtout sur les acteurs alternatifs et non sur les Gafa. Mozilla dénonce ainsi une mesure qui favorisera les grands acteurs du web ayant déjà des dispositifs de filtrage de contenus. Qwant, pour sa part, était lui aussi opposé à cet article 13 en l’état et se veut désormais à l’avant-garde d’une réflexion sur ces systèmes automatisés et leur mise en œuvre.
Car ce n’est en effet que partie remise. Le texte a certes été rejeté, mais il sera de nouveau examiné par le parlement en septembre après quelques modifications. Après quoi il faudra encore que le projet de directive fasse consensus entre les trois instances européennes. La route est donc encore longue avant une réforme du droit d’auteur à l’échelle européenne.