Trump & GAFA : nouvelle escalade

La Maison Blanche examinerait un projet de décret visant à demander aux agences fédérales de mener des enquêtes anti-trust contre les plateformes de médias sociaux. Avant même que le décret ne soit officialisé - s'il l'est un jour - des voix s’élèvent pour dénoncer une violation du 1er amendement de la constitution américaine.

C’est une évidence : les relations entre les GAFA et la Maison Blanche ne sont pas au beau fixe. A intervalles réguliers, principalement via Twitter, le président Trump s’en prend aux réseaux sociaux coupables selon lui de ne relayer que les opinions et points de vue défavorables à son action. S’en suivent des passes d’armes à fleurets de moins en moins mouchetés entre les dirigeants de ces plateformes et l’imprévisible 45ème président des Etats-Unis.

Nos confrères de Bloomberg News viennent de dévoiler qu’un projet de décret circulerait dans l’aile Ouest du 1600 Pensylvania Avenue. Ce projet viserait à demander aux agences fédérales américaines de mener des enquêtes anti-trust contre les médias sociaux, tels que Facebook ou Twitter, mais aussi sur Google sans qu’aucune de ces sociétés ne soit nommément citée. Le projet ordonnerait d'effectuer dans un délai d'un mois des recommandations pour "protéger la concurrence parmi les plateformes en ligne et trouver une solution aux problèmes de partialité".

Violation possible du 1er amendement

Le projet n’est pour le moment qu’une ébauche, le document obtenu par nos confrères contenant de nombreuses notes rouges manuscrites indiquant que des changements demeurent possibles. La porte-parole Lindsay Walters a même indiqué qu’il ne s’agissait pas d’un document officiel d’élaboration des politiques. Mais c'est bien sur le point des problèmes de partialité que les esprits s'échauffent.

Du côté des principaux intéressés, aucune réponse officielle ni commentaire pour le moment  Mais d’ores et déjà plusieurs experts juridiques estiment que le document dans sa rédaction actuelle est susceptible de violer le premier amendement de la Constitution américaine (NDLR : rien que cela ! ). En effet, le 1er amendement est ainsi libellé : "Le Congrès n'adoptera aucune loi relative à l'établissement d'une religion, ou à l'interdiction de son libre exercice ; ou pour limiter la liberté d'expression, de la presse ou le droit des citoyens de se réunir pacifiquement ou d'adresser au Gouvernement des pétitions pour obtenir réparations des torts subis".

Ces experts considèrent que le projet actuel viserait en sous-main à discréditer des commentaires défavorables à sa politique sous couvert d’une action anti-trust, en limitant la liberté d’expression, ce qui est effectivement interdit par le 1er amendement. D’autres considèrent qu’il n’y a aucune raison d’invoquer ce point. On le voit : le projet, s’il va au bout, va susciter bon nombre de controverses.

Pression sur les GAFA, décret ou pas

Le procureur général Jeff Sessions doit s’exprimer dans les prochains jours suite à un briefing qui se déroulera le 25 septembre avec les procureurs généraux des Etats qui enquêtent sur les entreprises de technologie. M. Sessions envisagerait des enquêtes auprès de ces entreprises concernant le respect de la vie privée et les accusations concernant le musèlement des voix conservatrices.

« Trump pourrait être perçu comme commandant des agences anti-trust pour cibler ses ennemis politiques" a déclaré Michael Kades, ancien avocat de la FTC et maintenant directeur des marchés et de la politique de la concurrence au Washington Center for Equitable Growth, cité par nos confrères.

« Bien que je sois convaincu que le DOJ et la FTC mèneront des enquêtes sans parti pris politique, les propres mots du président sapent leur légitimité perçue et compliquent la tâche des agences», poursuit M. Kades dans un courriel. Certains vont même jusqu'à prédire une modification du comportement des GAFA, en faveur des idées conservatrices et ce de manière artificielle, qu'il existe ou non un risque d'enquêtes, ceci pour stopper définitivement les velléités présidentielles. Donald Trump aurait ainsi obtenu ce qu'il recherche, uniquement avec cette menace, une tactique qu'il a employé à maintes reprises avec des succès mitigés.

Bref, comme à l'habitude, nous sommes pris dans un tourbillon avec la perspective que "la routourne pourrait encore tourner", comme l’affirme le philosophe contemporain Franck Ribery.